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Brix - Notes historiques et archéologiques


Brix, Bruce, Bruiz, Bructus, Bruicius, Brixia, Brixis.

L’église de Brix est un édifice du XVIe siècle ; bâtie sur une éminence, elle a remplacé une église du XIe siècle, et a été en grande partie reconstruite avec des matériaux provenant des ruines de l’ancien château d’Adam. Il parait même qu’il y a eu à Brix une église antérieure au XIe siècle ; car la chronique de Fontenelle rendant compte de l’arrivée miraculeuse à Portbail, vers le milieu du VIIIe siècle, d’une caisse renfermant des reliques et un manuscrit en parchemin très-pur, écrit en lettres romaines et contenant les quatre évangiles, et qui y fut recueillie flottant sur la mer, ajoute que le comte Richwin, qui alors administrait le pays, apporta le plus grand zèle dans la réception de ces précieux objets, et dans la construction à Brix d’une église pour les y déposer : ad eum locum qui usque nunc Brucius vocatur pervenerunt.

Une châsse que renfermait la caisse contenait, ainsi que l’indiquait un petit écriteau trouvé dans cette châsse, une partie de la mâchoire du bienheureux Georges, martyr, un fragment de la vraie croix et d’autres reliques de différents saints.

La nouvelle église fut dédiée à saint Georges ; deux autres églises furent bâties dans le même lieu ; l’une en l’honneur da la Sainte Vierge et l’autre en l’honneur de la Sainte-Croix : Comes tamen prœdictus ....condidit in eodem loco basilicam in honore B. Georgii martyris : duœque aliœ ecclesiœ, id est una in honore beatissimœ matris ac perpétuae virginis Mariœ, altéra in ste Crucis fabricata honore. [1]

L’église actuelle de la paroisse est sous le vocable de Notre-Dame. Le patronage en appartenait à l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, à laquelle Adam de Brix l’avait donné, en 1144, à condition que l’église serait desservie par des religieux de cette maison. L’abbaye de Montebourg y prétendait aussi des droits, comme le prouve une transaction arrêtée entre les deux abbayes à la médiation de Richard de Bohon, évêque de Coutances [2] : Composuit pro ecclesia B. Maria de Bruix et confirmavit donum factum S. Salvatori.

L’abbaye de Saint-Sauveur prélevait deux gerbes de la dîne sur toute la paroisse ; le curé avait la troisième, et le casuel, avec droit d’usage et de pâturage dans la forêt. La cure, lors de la rédaction du Livre noir, valait 40 livres. En 1665, cette même cure valait 1,000 livres.

Il y avait dans le manoir de Guillaume Crespin une chapelle sous le vocable de Saint-Denis.

L’église de Brix payait 60 livres de décimes ; elle dépendait de l’archidiaconé [3] du Cotentin et du doyenné des Pieux. D’après le Livre noir, le curé de Brix jouissait des revenus de la foire Saint-Denis qui cessa, parait-il, de se tenir dans cette paroisse, car elle y fut rétablie en 1669, en faveur de la baronnie de la Lutumière : il se tient encore à Brix une foire le 9 octobre, jour de la fête Saint-Denis.

Prieuré de la Lutumière

Adam de Brix, sous l’épiscopat de Raoul [4], évêque de Coutances, fonda à Brix, vers 1106, le prieuré de Saint-Pierre de la Lutumière, nommé aussi le prieuré de Saint-Jouvin. [5] C’était un prieuré d’hommes de l’ordre de Saint-Benoit. II payait 66 livres de décimes. On trouve capella sancti Pétri de Luthumeria.

Il avait un tiers de la dîme de Tollevast qu’en 1330 Thomas de Tollevast céda à l’abbaye du Vœu à Cherbourg. En l’année 1144, Adam, fils de Robert de Brix, donnait à l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, pour le prieuré de la Lutumière, la dîme de ses deux foires de Saint-Christophe et de Saint-Nicolas. [6] Raoul de Sottevast donna au même prieuré la dîme du pain qui se dépenserait dans sa maison ; Eudes de Sottevast, son fils, remplaça cette donation par l’abandon qu’il fit de la moitié du moulin qu’il avait à Pierreville. Le prieuré de la Lutumière existait encore en 1789, et valait 800 livres de revenus.

Il y avait, près de la chapelle du prieuré, une fontaine merveilleuse que visitaient, le lundi de la Pentecôte, de nombreux pèlerins qu’attirait la fête qu’on célébrait dans cet endroit. Les eaux de cette fontaine, suivant la tradition, avaient la vertu de fortifier les enfants d’une faible santé.

Antiquités Gauloises Et Romaines

On voit dans les bois de Brix une pierre druidique, et on a trouvé sur l’emplacement de l’ancien château d’Adam un grand nombre de coins et de haches celtiques en bronze.

Il existe à Brix une enceinte de forme carrée irrégulière, qui parait avoir été un camp de l’époque gallo-romaine.

La voie romaine de Coriallum, Cherbourg, à Cosedia, Coutances, conduisait à cette enceinte, et se nommait dans sa partie vers Cherbourg, la Querrière ou Chaussée d’Adam. On a découvert dans cette enceinte beaucoup de monnaies romaines, dont trois en or, deux de Marc-Aurèle et une de Néron. Tous ces faits donnent à penser que le château d’Adam, qui n’est séparé de cette enceinte que par un largé fossé, en partie comblé, est établi sur l’emplacement d’une position gallo-romaine. La chaussée d’Adam, pavée dans une longueur d’environ 3,000 mètres, entre la pierre butée de Tourlaville et les Querrières de Brix, fut détruite il y a environ 60 ans. [7]

Faits Historiques

Brix, dans le XIe siècle, faisait partie du domaine ducal de Normandie, car Richard III, duc de Normandie, épousant la princesse Adèle, affecta à la dot de sa fiancée plusieurs domaines, situés dans le Cotentin, au nombre desquels figure celui de Brix ; et cum eo quod dicitur Brueto. [8]

Robert de Brix accompagna le duc Guillaume à la conquête de l’Angleterre. Il obtint un grand nombre de seigneuries dans le comté d’Yorck.

Plusieurs seigneurs de Brix dans les Xie et XIIe siècles, portèrent les noms de Robert, d’Adam et de Pierre de Bruis, Bruce ou de Brus. On trouve un Guillaume de Bruis comme témoin dans une charte de Henri Ier, duc de Normandie, en faveur de l’abbaye de Saint-Etienne de Caen. [9] En 1144, Adam de Bueys, baron de Brix, donne l’église de Couville à l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, ainsi que celle de Saint-Martin-le-Gréard, qui dépendait de la baronnie de Brix. [10] Pierre de Brueys, en 1155, confirma cette donation.

Le 12 mai 1194, Jean Sans-Terre, venant de Valognes et se rendant à Gonneville où était un château important, s’arrêta à Brix et y passa la nuit, et apud Brix nocte illa quievit ; [11] ce prince revint encore à Brix le 21 décembre 1200.

Les seigneurs normands qui possédaient des domaines en Normandie et en Angleterre, ayant été forcés d’opter pour la France ou l’Angleterre ; les seigneurs de Brix optèrent pour l’Angleterre où ils étaient infiniment plus riches qu’en France. Alors leurs biens furent confisqués et leur château démoli.

Les ducs de Normandie possédaient la forêt de Brix, qui alors était très-importante et comprenait, sous son nom, les forêts de Cherbourg, Valognes et Barnavast. D’après les grands rôles de l’Echiquier de Normandie de l’an 1180, sous le règne de Henri II, on voit Osbert de la Heuse, de Hosa, rendre compte, par son clerc Godefroi et par Robert Langevin, de 200 livres de la ferme de Brix, de firma de Bruis. En 1195, sous le règne de Richard Cœur-de-Lion, Robert Trezgoz rend compte aussi de 232 livres 14 sols 2 deniers, de la ferme de l’honneur (baronnie) de Brix : il avait payé aux chanoines réguliers de l’abbaye du Vœu, pour le service de la chapelle de Valognes dont ils étaient chargés, 17 sous 11 deniers, sur les revenus de la forêt de Brix, de foresta de Bruis. Dès le XIIe siècle, cette forêt et toutes celles de la province étaient administrées assez régulièrement, et pour atteindre ce but, on avait créé un grand nombre d’officiers qui généralement faisaient un usage très-arbitraire de leur autorité, aussi, le poète Wace, dans son tableau des plaintes que les paysans normands portaient contre le duc et ses officiers, met en première ligne les plaids des forêts. On sait que le régime forestier était si tyrannique que ce fut un des griefs qui indisposèrent les populations normandes contre Jean Sans-Terre. [12]

Guillaume-le-Conquérant donna aux moines de Montebourg le droit de prendre dans sa forêt de Brix les bois nécessaires à l’entretien et aux réparations de leurs bâtiments. [13]

Louis IX donna, en 1256, à l’Hôtel-Dieu de Caen, pour le salut de son âme, de celles du roi, son père, et de la reine Blanche, sa mère, le droit de pâture pour 300 porcs dans sa forêt de Brix, in foresta nostra de Bruis, ou dans la forêt de la Lande-Pourrie, située entre Mortain, Domfront et Tinchebray, vel in foresta nostra de Landa putrida ; [14] il concéda pareil droit dans la forêt de Brix aux frères des Hôtels-Dieu de Coutances et de Saint-Lo, mais pour 40 porcs seulement, à chacun d’eux. Le même roi confirma, le 9 mars 1268, à l’abbaye de Sainte-Marie de Montebourg, la donation de plusieurs droits dans la forêt ducale de Brix, que lui avait faite Henri 1er, roi d’Angleterre et duc de Normandie. [15]

D’après un dénombrement des forêts de la Normandie, fait dans la deuxième partie du XVIIe siècle, la forêt de Brix contenait 11,197 arpents. [16]

Brix a possédé deux châteaux, nommés l’un le Château d’Adam, et l’autre le Château de la Lutumière.

Le château d’Adam fut détruit dans le XIIIe siècle, après sa confiscation par Philippe-Auguste. Il devait dater de la première moitié du XIIe siècle ; il était situé sur la pointe d’une roche, formant promontoire sur un ravin profond. Ses ruines consistent dans des fondations de murs, des masses détachées de l’ancienne maçonnerie, et dans quelques souterrrains voûtés et presque entièrement comblés.

Le château de la Lutumière, qui paraît n’avoir jamais eu d’importance militaire, n’est plus connu que par quelques traces de travaux faits pour en inonder les approches.

Une charte, concédée à Caen, vers 1170, nous apprend que Henri II, duc de Normandie et roi d’Angleterre, donna à Richard du Hommet, connétable de Normandie, plusieurs domaines en Angleterre, et en Normandie, Maisy et la forêt de la Lutunière, à Brix : et in Normania Meisy et haiam de Lutemare. [17]

Le domaine de la Lutumière, après avoir successivement passé par des mariages dans les familles des Crespin, des Mortemer, des Tancarville, appartint au sire de Bureau, qui, en 1400, le vendit à Jean Piquet, général des finances de la Normandie.

Lors de l’occupation anglaise, Jean Piquet resta fidèle à la cause du roi de France. Alors Henri V confisqua ses biens, et, par un acte du 14 avril 1419, il concéda à Thomas Burgh, écuyer, et à ses hoirs mâles, la terre de la Lutumière avec ses dépendances et tous les autres héritages et possessions que Jean Piquet, rebelle, avait dans le Cotentin, aux charges d’hommage et d’une redevance annuelle envers le Roi. [18] Mais, en 1450, après l’expulsion des Anglais, le domaine de la Lutumière fut rendu à son ancien propriétaire. Ce domaine appartint ensuite à Henri de Matignon, à cause de son mariage avec Marie Letellier de la Lutumière.

En 1722, la Lutumière, ancienne baronnie, appartenait à la maison de Colbert de Seignelay. [19]

Le baron de la Lutumière siégeait à l’Echiquier de Normandie près du baron de Moyon.

Des lettres patentes furent données, en 1617, portant union et incorporation de la terre et seigneurie de Gasteville, à la baronnie de la Lutumière. Cette baronnie, en 1079, obtint encore l’union de plusieurs fiefs avec établissement de foires et de marchés. [20]

La paroisse de Brix dépendait de la baillie de Cotentin, ballia de Costentino, de l’intendance de Caen, de l’élection de Valognes et de la sergenterie de Tollevast. Masseville lui compte 335 feux, Expilly et Dumoulin 390 ; Saugrain, en 1726, lui compte 1,754 habitants. Sa population, en 1866, est de 2,485 habitants.

Source :

Notes

[1] Chronic. abb. Fontanellensis, apud Acherii spicileg., édit. in-4e, Tome III, pag. 223. — Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Tome XI, pag. 44.—Trigan, Histoire ecclésiastique de la province de Normandie, Tome II, pag. 41

[2] Elu évêque en 1151, Il mourut en 1179, le 1er juin

[3] NDLR : subdivision d’un diocèse

[4] Elu évêque en 1093, il mourut en 1109 ou 1110

[5] Gallia Christiana, Tome XI, col. 983

[6] Voir le Cartulaire de la Lutumière, aux Archives de la Manche

[7] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Tome V, pag. 1 à 60

[8] Recueil des historiens de France, Tome X, pag. 270, note A

[9] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Tome XXI, pag. 194, n° 828

[10] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Tome XXII, pag. 162 et 168

[11] Mathieu Paris, ad annum 1194, pag. 123

[12] Des revenus publics en Normandie, par M. Léopold Delisle, dans la Bibliothèque de l’école des Chartes, 3e série, Tome 1er, pag. 441

[13] (3) Gallia christiana, Tome XI, Instrum., col. 230

[14] Essais sur la ville de Caen, par l’abbé De La Rue, Tome II, pag. 221

[15] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Tome XVI, pag. 101, n° 551 ; pag. 108, n° 581 et 582 ; pag. 164, n° 737

[16] Annuaire du département de la Manche, année 1859, pag. 392

[17] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Tome XVI, pag. 5, n° 15

[18] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Tome XXIII, pag. 66, n° 349

[19] Masseville, Etat géographique de la Normandie, Tome I, pag. 208

[20] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Tome XVIII, pag. 110, 2e col., et pag. 313, 2e col