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De l’Echiquier de Normandie au Palais de Justice de Rouen


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Photos Yolande CHAUMONT


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L’Echiquier de Normandie

Instituée par Rollon, premier duc de Normandie au commencement du Xe siècle, l’Échiquier de Normandie ou Échiquier de Rouen était la cour souveraine de Normandie. L’échiquier était une assemblée de tous les notables de la province, une espèce de parlement ambulatoire, qui se tenait deux fois par an pendant trois mois, au commencement du printemps et à l’entrée de l’automne. Les prélats et les nobles des sept bailliages de Rouen, Caudebec-en-Caux, Évreux, Les Andelys, Caen, Coutances et Alençon qui y siégeaient avaient voix délibérative à cause de leurs terres.
Le nom d’échiquier viendrait :

  • soit du fait que le premier échiquier de Normandie se serait tenu dans une salle dont le sol était constitué alternativement de pavés de pierres carrées noires et blanches, comme les tabliers ou échiquiers servant à jouer aux échecs.
  • soit de ce qu’il y avait sur la table où se réglaient les comptes de la trésorerie, un tapis échiqueté de noir et de blanc, servant à caser les différentes monnaies ayant cours dans le Duché.

Les présidents et autres juges députés par le roi, qui avaient seuls droit de juger, se tenaient sur les hauts sièges du lieu où se tenait l’échiquier. Derrière eux, à même hauteur, étaient les abbés, doyens et autres ecclésiastiques et, à gauche, les comtes, barons et autres nobles, qui avaient séance mais non voix délibérative à l’échiquier. Les baillis et les lieutenants-généraux civils et criminels, les avocats et procureurs du roi des bailliages, les vicomtes, le grand-maître des eaux et forêts, les lieutenants de l’amirauté, les verdiers, les baillis et sénéchaux des hauts-justiciers et les avocats et procureurs étaient tenus d’y assister afin de se souvenir de l’usage et du style de la coutume de Normandie car elle n’était pas encore rédigée par écrit ou, du moins, de l’autorité du prince.

À l’origine, la présence des ecclésiastiques et des nobles aux échiquiers était obligatoire sous peine d’amende. Il y avait aussi quelques ecclésiastiques et nobles bretons qui devaient comparaître à l’échiquier de Normandie et qui furent appelés à celui de 1485 et aux suivants : les évêques de Saint-Brieuc, de Saint-Malo et de Dol, les barons de Rieux, de Guéméné, le baron d’Erval Deslandelles, le vicomte de Pomers, baron de Marée.

Les échiquiers avaient également quelque rapport avec les assises en ce sens que l’appel des premiers juges était porté à l’échiquier, qui décidait, tant au civil qu’au criminel, en dernier ressort, c’est-à-dire que les jugements de ce tribunal étaient sans appel. Comme cet échiquier ne siégeait que deux fois l’année, lorsqu’il y avait des affaires provisoires, en attendant la tenue de l’échiquier, c’était le grand sénéchal de la province qui y présidait en y appelant les principaux du clergé et de la noblesse qui y avaient voix délibérative.

Pendant plusieurs siècles, cet échiquier a suivi, comme le faisait le parlement de Paris, le prince là où il se rendait. Bien que Philippe le Bel ait ordonné, le 23 mars 1302, qu’il se tiendrait par an deux échiquiers à Rouen, dans la grande salle du château de Rouen, cette ordonnance ne fut cependant pas toujours ponctuellement exécutée car il s’est également quelquefois tenu à Caen et à Falaise, surtout dans les temps de troubles et de l’occupation anglaise (1415-1450). Des trente échiquiers qui ont dû se tenir entre 1302 et 1317, on ne trouve aucune trace sans doute en raison de l’éloignement des temps, des troubles et guerres civiles et autres.

Les difficultés occasionnées par la mobilité de l’échiquier menèrent l’assemblée des états généraux de Normandie de 1498 à délibérer de rendre l’échiquier perpétuel et, l’année suivante, demande fut faite à Louis XII de sédentariser l’échiquier à Rouen, ce qui fut accordé par un édit du mois d’avril de 1499 qui établit dans Rouen un corps de justice souveraine, sédentaire et perpétuelle, composé de quatre présidents, dont le premier et le troisième devaient être clercs et le second et le quatrième laïques ; de treize conseillers clercs et quinze laïques ; de deux greffiers, un pour le civil, un pour le criminel ; de notaires et secrétaires ; de six huissiers, d’un audiencier, d’avocats du roi, d’un procureur général, d’un receveur des amendes et payeur des gages. Le même édit réglait l’ordre de juger les procès, la manière de les distribuer, l’ordre des bailliages, la cessation des juridictions inférieures en certains temps, la comparution des baillis et autres officiers à la cour souveraine de l’échiquier, les privilèges et les gages des présidents, conseillers et autres officiers. Le cardinal d’Amboise, archevêque de Rouen, qui avait vivement sollicité le roi en faveur de la sédentarisation à Rouen, avait reçu, en considération de sa dignité et de ses grands services, le sceau de la chancellerie, avec le droit de présider l’échiquier à vie. Le premier président était l’évêque de Coutances et le troisième, l’abbé de Saint-Ouen. Louis XII accorda à l’archevêque de Rouen et à l’abbé de Saint-Ouen, par des lettres d’avril 1507, la qualité de conseillers nés en l’échiquier.

L’ouverture de l’échiquier perpétuel eut lieu le 1er octobre 1499. Dans l’attente de la construction du lieu destiné au palais, l’échiquier se tint dans la grande salle du Château de Rouen durant sept ans. Il commença à être tenu dans le palais encore inachevé le 1er octobre 1506. À la même époque, fut établie à Rouen une table de marbre, pour juger les appellations des maîtrises d’eaux et forêts de la province qui, jusque-là, avaient été relevées directement à l’échiquier. À son avènement en 1515, François Ier confirma la cour de l’échiquier dans tous ses privilèges par des lettres patentes. Par d’autres lettres du mois de février suivant, il voulut que le nom d’échiquier fût changé en celui de cour de parlement, à la suite de quoi l’échiquier de Rouen devint le Parlement de Normandie.

Le Parlement de Normandie

Lorsque la cour de l’échiquier fut rendue perpétuelle, elle fut divisée en deux chambres ; l’une pour juger le matin et l’autre pour l’après-midi. Cette seconde chambre a ensuite été appelée la première des enquêtes. La chambre de la Tournelle, chargée des affaires criminelles, fut bâtie en 1519 et la chambre des vacations ne sera établie qu’en 1547. Jusqu’au 1er octobre 1506, le parlement de Normandie tint ses séances au château de Rouen puis, ensuite, dans le palais dont la construction avait été commencée dès 1499 et qui ne fut pourtant achevé que longtemps après.

Plusieurs rois de France ont tenu des lits de justice au parlement de Normandie. Charles VIII en tint un le 27 avril 1485 et y confirma les privilèges de la Normandie. Louis XII y vint accompagné des principaux officiers de sa cour le 24 octobre 1508. Le 2 août 1517, François Ier y tint, accompagné du chancelier Duprat et de plusieurs officiers de sa cour, un lit de justice. Quelques jours après, le dauphin vint au parlement, où on lui rendit les mêmes honneurs qu’au roi même, ainsi que François Ier l’avait ordonné. Au mois de janvier 1518, il accorda au parlement de Normandie les mêmes privilèges dont jouissait celui de Paris, et, par un autre édit du mois de février suivant, il lui accorda une exemption temporaire de l’arrière-ban.

Le 8 octobre 1550, Henri II tint lit de justice au parlement de Rouen, accompagné de cardinaux, du roi Henri II de Navarre, de plusieurs ducs, du connétable Anne de Montmorency, de l’amiral, du duc de Longueville, du chancelier Olivier, et de plusieurs autres seigneurs. Charles IX s’y fit déclarer majeur, étant accompagné du chancelier Michel de L’Hospital.

En 1523, François Ier accorda au parlement l’exemption de la gabelle et ordonna qu’il serait délivré, à chacun de ses officiers et à sa veuve, autant de sel qu’il en faudrait pour sa maison, sans en fixer la quantité, en payant seulement le prix du marchand, à condition de ne pas abuser de ce privilège.

En 1540, le chancelier Guillaume Poyet ayant indisposé le roi contre le parlement de Rouen, celui-ci fut interdit. Des commissaires furent nommés pour la Tournelle, et un président et douze conseillers envoyés à Bayeux, pour rendre la justice aux sujets de la basse-Normandie jusqu’à ce que le roi lève son interdiction ; et voulant donner aux officiers de cette cour une marque de la satisfaction qu’il avait de leur conduite, en juin 1542, il leur rendit, par un édit, l’exemption de l’arrière-ban de 1518 générale et perpétuelle.

En 1560, le parlement de Normandie fut supprimé avec les autres parlements de province avant d’être rétabli au mois de juin 1568 par Charles IX. En avril 1545, François Ier établit une chambre criminelle chargée juger les affaires touchant les protestants qui fut remplacée par une chambre de l’édit, en vertu de l’exécution de l’édit de Nantes d’avril 1598

La ville de Rouen, favorable à la Ligue catholique, se souleva contre Henri IV. En février 1589, le nouveau roi transféra par un édit du mois le parlement de Normandie dans la ville de Caen qui lui était resté fidèle. Le 20 juin 1589, les magistrats, menés par Claude Groulart, font leur entrée dans la ville. Il siègent dans l’auditorium de théologie de l’université de Caen, puis dans la grande salle du couvent des Cordeliers. Une fois la paix rétablie, le Parlement fut finalement rétabli à Rouen par un autre édit en date du 8 avril 1594, malgré les efforts des échevins caennais pour le conserver dans leur ville. Interdit à nouveau de fonctions en 1639, pour ne s’être pas assez fortement opposé à la révolte des va-nu-pieds, il fut remplacé par des commissaires du parlement de Paris jusqu’à son rétablissement par un édit de janvier 1641.

La chambre de "l’édit de Nantes" (1598) fut à son tour supprimée en janvier 1685 avec l’édit de Fontainebleau. Composée à l’époque de 57 conseillers et de deux présidents, un édit du mois de juillet 1680 créa une seconde chambre des enquêtes, à la suite de quoi le parlement de Rouen fut composé, jusqu’à la Révolution, de cinq chambres, la grand-chambre, la Tournelle, deux chambres des enquêtes et la chambre des requêtes du palais.

  • La grand-chambre était composée du premier président et deux autres présidents à mortier, trois conseillers d’honneur nés, qui étaient l’archevêque de Rouen, l’abbé de Saint-Ouen et le marquis de Pont-Saint-Pierre. Il y avait aussi quelquefois d’autres conseillers d’honneur, tels que l’évêque de Sées ; outre ces conseillers d’honneur, il y avait vingt-huit autres conseillers, dont huit clercs et vingt laïcs.
  • La Tournelle se composait de trois présidents à mortier, de six conseillers de la grand-chambre, de six de la première des enquêtes et autant de la seconde, lesquels changeaient à tous les appels des bailliages.
  • Chaque chambre des enquêtes se composait de deux présidents à mortier et de vingt-huit conseillers, entre lesquels il y en a neuf clercs, distribués dans les deux chambres.
  • La chambre des requêtes du palais se composait de deux présidents et de onze conseillers. Il y avait en tout, plus de cent avocats et cinquante-six procureurs.

Au mois d’octobre 1701, une chancellerie près la cour des aides fut créée qui, par un autre édit du mois de juin 1704, fut unie à celle du parlement. Elle se composait d’un garde des sceaux, de quatre secrétaires du roi audienciers, de quatre contrôleurs, de deux secrétaires du roi, receveurs et payeurs des gages, huit référendaires, sept gardes minutes et trois huissiers.

C’est au parlement de Normandie que se tinrent à partir de 1728 les assemblées générales des députés des différentes cours et autres notables pour les affaires publiques, comme pour les besoins des hôpitaux et autres nécessités.

Le Palais de justice de Rouen

Construit entre la fin du XVe siècle et le XXe siècle, l’édifice est l’ancien bâtiment qui abritait le Parlement de Normandie avant la Révolution française.

Il fut ravagé par deux fois en 1944 : lors du bombardement du 19 avril qui vit la destruction totale de l’aile gothique et celui du 26 août, précédant la libération de la ville, qui vit l’anéantissement presque radical de la partie centrale gothico-renaissance. Seuls les murs de pierre restèrent debout, pinacles et charpentes, magnifiques vaisseaux en bois de chêne, détruits. Les intérieurs furent ravagés, dont la magnifique salle des assises avec son plafond à caissons, restitué depuis. Les charpentes furent remplacées par des carènes de béton. Les parties néogothiques échappèrent à la destruction. La « Maison sublime » est un monument juif découvert sous l’escalier de droite de la cour d’honneur. Il date du XIIe siècle et ses murs préservés de faible hauteur laissent découvrir l’inscription en hébreu : Que cette maison soit sublime ! ; on y voit également un Lion de Juda sculpté. C’était la maison d’un riche bourgeois juif selon certains et selon d’autres, une Yeshiva (centre d’étude de la Torah et du Talmud dans le judaïsme orthodoxe).

Le Palais de justice est une des seules réalisations de l’architecture gothique civile de la fin du Moyen Âge en France.
Seule l’aile en retour à gauche de la façade, dans la cour d’honneur, est réellement gothique, construite entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle. On y note des pinacles, gargouilles et une balustrade flamboyante à la base du toit. L’escalier attenant a été reconstruit par l’architecte Selmersheim en style néo-gothique champenois au début du XXe siècle et cela, après l’"affaire de l’escalier" qui vit le démontage de celui réalisé en style néo-gothique également par l’architecte Lucien Lefort, apôtre de l’historicisme à Rouen.
Le corps central de l’édifice est un mélange de styles gothique et renaissance, dont la construction embrasse presque tout le XVIe siècle. Le décor est plus riche que sur l’aile gothique proprement dite et la balustrade est radicalement différente.
L’aile en retour de droite est un pastiche néo-gothique, datant du XIXe siècle et remplaçant une ancienne partie de style classique. Également néo-gothique est la partie donnant sur la rue Jeanne-d’Arc, avec sa tour d’horloge.

Il fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 1840. [1]


Bibliographie :

Portfolio

Croisée du palais construite en 1840 Salle des assises Affichage sur grille extérieure-1 Affichage sur grille extérieure-2 Affichage sur grille extérieure-3 Affichage sur grille extérieure-4 Affichage sur grille extérieure-5 Vue 1 Vue 2 Vue 3 Vue 4 Vue 5 Vue 6 Vue 7 Vue 8 Vue 9 Vue 10 Vue 12 Vue 13 Vue 14 Vue 15 Vue 16 Vue 17 Vue 11