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Les Biards - Notes historiques et archéologiques


NDLR : Les Biards [1] est une ancienne commune de la Manche, aujourd’hui rattachée à Isigny-le-Buat. (Elle fusionne avec Isigny-le-Buat le 15 mars 1973 en même temps que Chalandrey, La Mancellière, Le Mesnil-Bœufs, Le Mesnil-Thébault, Montgothier, Montigny, Naftel et Vezins.)


NDLR : Texte de 1882 ; voir source en bas de page.


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ibliographie

L’histoire des Biards a été faite et nous ne reproduisons ici ni ce qu’en a dit de Gerville, [2] ni ce qu’en a publié le vicomte de la Villeberge [3] : nous tenons à ne faire connaître que des documents absolument nouveaux et inédits.

Epoque Gallo-Romaine

Quelques coins en bronze ont été trouvés aux Biards ; on y a rencontré aussi quelques briques à rebords. [4] Mais nous protestons vivement contre une opinion erronée, que nous-même avions admise, d’une peuplade celtique particulière aux Biards.

Epoque féodale

Baronnie des Biards

La liste de ses inféodations est nombreuse, sinon entièrement complète. Nous la donnons et pour ses dates et pour les noms qui y sont inscrits :
• 3 mai 1380, aveu par Guillemette Avenel.
• 28 avril 1389, aveu par Guillaume Le Sotrel, [5] de la moitié de la baronnie. Elle avait été divisée entre la mère du dit Guillaume et Guillemette Avenel, sœur de celle-ci.
• 3 mai 1393, aveu par Guillemette Avenel, femme de Raoul de La Champagne. Les Le Sotrel, durent alors par héritage de cette dernière, réunir entre leurs mains les deux moitiés de cette même baronnie et substituer à leur nom propre celui des Biards.
• 7 juillet 1450, aveu par Guyon des Biards.
• 11 septembre 1452, 3 mars 1462 et 17 mars 1474, aveu par Guy des Biards.
• 25 juillet 1490, aveu par Jean de Tardes, écuyer, échanson du roi, à cause de Françoise des Biards, sa femme. [6]
• 31 juin 1516, aveu par Nicolas de Mouy, chevalier, sieur de Chinon, à cause de Françoise de Tardes, sa femme.
• 20 février, 1555, aveu par Antoine de Mouy.
• 19 février 1564 et 20 février 1574, aveux par Charles de Mouy, baron des Biards.
• 2 juin 1584, aveu par François du Parc, chevalier de l’ordre du roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre, sieur des Cresnays et baron des Biards, à cause de Marie Le Provost, sa femme...
• 1597, aveu par Tanneguy de Warigniez. [7]

Dans ces actes, qui d’après les usages constants, sont calqués les uns sur les autres et qui reproduisent invariablement les mêmes termes et les mêmes sujétions, les Biards étaient tenus en une demi baronnie et son possesseur était homme-lige du roi, chaque fois qu’il lui plaisait de le requérir et l’avoir en son service homme armé en guerre, outre, ce qu’il était accoutumé à faire en Normandie. Aux Biards, il avait motte et place de château, droit de guet et garde, cour et juridiction, bourg et bourgade. Le baron des Biards était en outre patron de l’église des Biards, et d’une chapelle appelée La Madelaine. Il avait droit de marché aux Biards, le mardi de chaque semaine, écoles séantes en la dite baronnie, four à ban, moulin, colombier, et droit de foire chaque année, le jour Saint-Louis, en la ville de Marcilly et la justice par ses officiers. En outre, il possédait une foire tenue aux Biards le jour de caresme prenant et les droits de quintaine et de coutume sur le passage des vins. Il était enfin exempt de comparence aux grands jours des eaux et forêts et possédait la présentation à la chapelle Saint-Michel, en l’église collégiale de Mortain. [8]

De la baronnie des Biards dépendaient en arrière-fiefs : Chalandrey, Monchouet et Le Planty, à Chalandrey ; Digny, à Marcilly ; Isigny et Le Bois-Philippe, à Isigny ; Heussey et le fief Libor, à Heussey ; Oissey et Pouey, au Teilleul ; La Fresnaye, aux Chéris ; le fief ès Avenaux, à La Croisille ; Montgothier, Vezins, Parigny, Le Mesnillard, Marcilly, La Boulouze et Le Tourneur, dans les diverses paroisses qui portaient ces noms. [9] Ceci nous amène à nous rendre un compte exact de l’économie du régime féodal dans notre province. Ainsi, le duc de Normandie relevait du Roi ; le comte de Mortain relevait du duché ; le baron des Biards du comté, et les divers fiefs que nous venons d’énumérer ressortissaient à la baronnie. Enfin de chacun de ces arrière-fiefs dépendaient les vavassories, les masures et les rotures. Il en était de même en général pour tous les fiefs ou domaines nobles et le vieil adage nulle terre sans seigneur trouvait dès lors son application naturelle.

Passons maintenant en revue les divers barons des Biards et avec eux les nombreuses familles qui se sont succédé dans cet illustre castel. Mais disons tout d’abord que si cette forteresse fut édifiée au XIe siècle par les ordres des comtes de Mortain pour la défense du comté, ainsi que celles du Teilleul, de Saint-Pois et de Tinchebray, qui formaient les angles d’un vaste quadrilatère, dont le donjon de Mortain était le point central, cependant les Biards ne tardèrent pas à déchoir de cette importance et furent bientôt remplacés par le nouveau château de Saint-Hilaire, élevé un siècle et demi plus tard. La situation des Biards était forte, très-forte même comme défense, mais Saint-Hilaire était beaucoup plus avantageusement situé, comme poste avancé vers la Bretagne et le Maine. Au point de vue de la stratégie militaire, les Biards étaient dans une situation notable d’infériorité et le proverbe eut dès lors sa justification :


La ville des Biards
Décatit chaque jour d’un liard.

Du reste, paraît-il, le château des Biards fut pris par Du Guesclin, en 1368 et démoli de fond en comble, d’après ses ordres, par les bretons du camp de Campeaux et de la garnison de Genêts, près Avranches.

Quant à ses nouveaux seigneurs, les Avenel, qui avaient succédé par une alliance sans doute à une première famille, appelée proprement des Biards, en échange de leur situation militaire amoindrie, ils occupèrent bientôt les charges les plus importantes auprès des comtes de Mortain et nous savons qu’ils furent les sénéchaux héréditaires du comté. Leurs noms sont reproduits mille fois dans tous les actes passés aux XIIIe et XIVe siècles. Ils se remarquent également en Angleterre et en Ecosse et s’ils figurent sur les scènes lyriques, ils sont encore inscrits en lettres de sang dans les drames qui se dénouèrent sur les champs de batailles de Hastings, de Bouvines, d’Azincourt, de Formigny et de Fontenoy. La branche aînée de cette famille s’éteignit aux Biards, vers 1380 ; mais les rameaux collatéraux subsistèrent longtemps dans le Mortainais, à La Touche-Boissirard, en Fontenay, à Chalandrey, à Crenay, à Lapenty et enfin à Heussey. Ces derniers désignés sous la dénomination particulière de Nantrey ont, par lettres patentes, données à Marly, au mois d’août 1715, obtenu l’autorisation d’ajouter un D à leur nom patronymique et de s’appeler d’Avenel.

Plusieurs mariages ont fait passer la baronnie des Biards dans diverses maisons que nous avons déjà énumérées à la liste de nos aveux. Voici au surplus les noms de ces familles, ce sont celles des Avenel, Le Sotrel, de Tardes et de Mouy. Vers 1575, Charles de Mouy vendit Les Biards à M. Le Prévôt dont la fille Marie les porta à François du Parc, chevalier de l’ordre du Roi, seigneur de Crenay. Leur fille Antoinette du Parc en épousant Tanneguy de Warigniez lui remit à son tour cette baronnie que leur fils aîné fut contraint, par suite du fâcheux état de ses affaires, de vendre à sa sœur Marguerite, qui s’était mariée à Louis de Pierrepont, vers 1680. Dix ans après, Louis XIV érigea la baronnie des Biards en marquisat, pour récompenser les services rendus à l’Etat par Louis de Pierrepont et par sa famille. Les mêmes lettres- patentes lui accordèrent une haute justice et un marché aux Biards. Anne-Louise-Marguerite de Pierrepont qui épousa Jacques-Gabriel-Robert d’Oilliamson, en 1789, apporta ce domaine dans cette nouvelle maison et leur fils Guillaume-Louis-Gabriel-Raimond d’Oilliamson, a été le dernier marquis des Biards. Il fut à ce titre inscrit, en 1789, sur la liste de convocation pour les Etats-généraux.

Fief ou vavassorerie la Masure

Tenu immédiatement à foi et hommage du comté de Mortain, il était situé, partie aux Biards, et partie à Vezins. Il avait manoir et pêcheries. Les hommes qui lui rendaient leurs devoirs, c’est-à-dire les sous-tenants, suivant l’expression du vieux temps, devaient lui payer trois deniers d’offrande à Noël, savoir à la messe de nuit, à celle du point du jour et à la grand’messe, à raison de 1 denier par chacune d’elles. René de Verdun, écuyer, sieur de la Masure, vendit ce fief, le 8 février 1572, à son frère Jean de Verdun, écuyer, sieur de la Chaperonnière. Des aveux en avaient été rendus le 24 novembre 1485, par Guillaume de Verdun, écuyer, à cause d’Elisabeth Le Sotrel, sa femme, et le 17 décembre 1700, par François Benoist. En 1758, il était à M. de Launay de La Pasturlière. [10]

Le petit fief du Prieuré des Biards et Le Prieuré

Ce fief appartenait au prieur. Le prieuré remontait à l’année 1082. Il avait eu pour fondateurs Gautier ou Wautier et Raoul d’Astin, qui avaient donné l’église de Vezins à l’abbaye de La Couture, au Mans, sur les instances de Johel, leur frère, qui en était abbé, à la condition d’envoyer quelques-uns de ses religieux au prieuré des Biards. Cette donation avait été ratifiée et augmentée considérablement par Guillaume, baron des Biards. En 1174, Guillaume de Champfort et en 1459, Thomas Bridet en étaient prieurs. Odon Rigault, archevêque de Rouen, l’avait visité en 1249.

L’église paroissiale, qui est celle de l’ancien prieuré, remonte tout entière au XVIe siècle, sauf les fenêtres de la nef qui ont été refaites en 1760 et les chapelles qui sont de 1751. Une inscription sur une verrière conservée dans la sacristie, donne la date de la reconstruction de l’édifice : REVEREND FRERE MARTIN DE BROC ABBÉ DE SAINCT CALLEZ PRIEVR DE BERNÉ ET DES BIARDS A DONNE CESTE VITRE EN LAN MIL CINQ CENS TRENTE ET DEUX LE V JOUR DE MAY. PRIANT DIEU etc.
Cette légende est accompagnée de plusieurs écussons armoriés surmontés d’une crosse abbatiale. Martin de Broc dut avoir pour successeur au prieuré des Biards, Michel de Crux, mort vers 1570. Quant à l’habitation des prieurs elle était située au bout du cimetière.

Cette église se compose d’une nef seulement. Au pied de cette nef est une belle tour carrée à grand appareil de pierres de granit, couverte en bâtière. Le portail d’entrée, placé sous cette tour, se compose d’un arc surbaissé qui surmonte un tympan largement sculpté dans le tuffeau blanc et représentant saint Martin, patron de la paroisse. Cet arc est décoré de crochets et de feuillages enroulés. Le tout se trouve rehaussé d’un panache qu’accompagnent deux autres panaches à chacun des angles des rampants du fronton. Les 4 angles du sommet de cette tour sont appuyés sur des fuseaux ou tourillons en pierre qui se trouvent reliés par des épis nombreux. Enfin sous la tour, les nervures de la voûte s’appuient sur des consoles, sortes de cariatides, représentant des personnages grotesques et dans des postures obscènes.

Source :

Notes

[1] Attestations anciennes : Willelmus de Biarz, 1082 / Willelmus de Biardis s.d. (12e s.) / dominus Biarzensis s.d. (12e s.) / cil de Biarz, 1160/1174 / prior de Biardis, 1369/1370, 1371/1372 / Jehan des Biars, 1371, grand-couteur et chanoine à Bayeux / ecclesia de Biardis, 1412 / ecclesia de Byardis, ± 1480 / le sieur des Bias (17e s.) / Les biars, 1631 / Les Biars, 1635 / Biads, 1612/1636 / Les Biards, 1677, 1713, 1753/1785, 1793 / Les Briards, 1801 / Les Biards, 1828, 1854, 1903, 1962 / Les-Biards, 1972 / Les Biards, 1978, 1993

[2] De Gerville, Châteaux du département de la Manche, 3e partie, p. 101. (NDLR : voir : Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie

[3] Mémoires des congrès de France.

[4] Desroches, Hist. du Mont-Saint-Michel et Annales de l’Avranchin.

[5] Armes des Le Sotrel d’azur à la croix d’or cantonnée de 4 sauterelles d’argent.

[6] Françoise Le Sotrel fut femme de Jean de Tardes d’après Pitard, Mss.

[7] Sommaire du noble Mss. Archives nationales, originaux.

[8] Actes divers des aveux cités.

[9] Actes et aveux déjà cités.

[10] Terrier dressé par Hauton.