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Lestre - Notes historiques et archéologiques


NDLR : texte de 1870, voir source en bas de page.


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estre, Laxtra ; on trouve aussi écrit Lêtre et Laitre.

La commune actuelle de Lestre est formée de trois anciennes paroisses, Anglesqueville-Lestre, Hautmoitiers et Tourville. [1]

La paroisse de Lestre formait, en 1213, deux paroisses, l’une sous le nom de Lestre qui est le nom le plus ancien qu’elle ait porté ; l’autre, sous celui d’Englesqueville, anglica Villa. [2] En l’année 1... [3] , les noms de ces deux paroisses étaient encore conservé mais réunis en un seul.

L’église paroissiale de Lestre offre dans ses murs quelques assises de maçonnerie en arête de poisson. Le chœur a été retouché et augmenté en 1714. On remarque aux murs des modillons romans.

On lit sur une pierre tumulaire, dans le mur méridional du chœur, l’inscription suivante :

CI-DEVANT GIST FRÈRE NICOLAS ANEROULT,
NATIF DE CRIENSE (CRÉANCES) EN SON VIVANT
ABBÉ DE BLANCHELANDE
PRIEUR, CURÉ DE CETTE VILLE
QUI DÉCÉDA LE IIE JOUR DE JUING 1557
DIEU EN AIT L’ÂME.

Immédiatement au-dessous on lit cette autre inscription :

FRERE NICOLAS LE LONGUER, NATIF DE NEHOU,
CHANOINE RÉGULIER PROFÈS DE L’ABBAYE DE BLANCHELANDE,
ORDRE DE PREMONTRÉ, PRIEUR, CURÉ D’ANGLESQUEVILLE-LAITRE,
Y A FAIT BATIR LA SACRISTIE ET ALONGER LE CHOEUR
DE VINGT-QUATRE PIEDS, EN 1714.

Il existe à Lestre une chapelle, sous le vocable de saint Michel, qui est du XIe ou du XIIe siècle ; sa petite abside et ses modillons sont romans. Le curé devait y officier chaque semaine. On remarque dans cette chapelle une sculpture figurant la Sainte Trinité. Le Père éternel est représenté coiffé de la tiare et tenant devant lui le Christ en croix : une colombe paraissant sortir de la bouche du Père éternel, et appuyée sur sa poitrine, figure dans ce groupe la troisième personne ou le Saint Esprit. Cette représentation des trois personnes date en général du XVe ou du XVIe siècle ; on l’a cependant remarquée sur des vitraux du XIIIe siècle ou de la fin du siècle précédent.

On signale encore dans cette chapelle un tombeau placé sous une arcade simulée dans le style ogival ; à peine si l’on peut distinguer le costume du personnage. Ce monument peut dater du XVe ou du XVIe siècle.

Cette chapelle a été classée au nombre des monuments historiques.

L’église de Lestre est sous le vocable de saint Martin. Elle dépendait de l’archidiaconé du Cotentin et du doyenné de Valognes, et était taxée pour les décimes à 40 livres.

Eudes ou Odon Le Bouteiller de Lestre, chevalier, seigneur d’Englesqueville, partant pour un pèlerinage en Terre-Sainte, donna aux religieux de Blanchelande l’église d’Englesqueville-Lestre avec le patronage, les dîmes et tout ce qui en dépendait, parce que cette église serait desservie par un chanoine, et afin aussi que les religieux par leurs prières pussent attirer sur son voyage les bénédictions du ciel. [4]

Raoul de Lestre, fils d’Odon, confirma cette donation. [5]

Thomas Avenel, seigneur d’Octeville, confirma aussi, en 1240, les donations faites à l’abbaye de Blanchelande par Odon Le Bouteiller, Raoul, son fils, et Robert, son petit-fils, seigneurs de Lestre, dont il était le suzerain. [6]

L’abbaye de Blanchelande avait le patronage de l’église d’Englesqueville-Lestre. L’abbé, dit le Livre noir, était seul décimateur et faisait desservir la paroisse par un de ses religieux, qui avait le titre de prieur-curé. Lors de la rédaction du Livre blanc, l’abbé de Blanchelande avait les grosses dîmes et le curé les menues dîmes. La part du curé valait 40 livres et celle de l’abbé 90 livres.

L’abbaye de Fontenelle ou de Saint-Wandrille a eu, dans les premiers temps de sa fondation, des biens situés à Lestre, que le lui avait donnés, en 738, un père de famille du nom de Raginfrède : Quidam pater familias nomine Raginfrede huic Widoni (abbati Fontanellensi) largitus est portionem aliquam de villa quae dicitur Laxtra, quae sita est in pago Constantino. [7]

Antiquités Romaines

On a découvert à Lestre, dans un lieu nommé la Roque de Lestre et dans les environs, des restes de maçonnerie très-solides et des traces d’habitations, ainsi que des médailles du Haut-Empire. [8]

Faits historiques

Guillaume de Lestre accompagna le duc Guillaume à la Conquête de l’Angleterre . Il figure au nombre des seigneurs qui, avec le Conquérant et la reine Mathilde, signèrent la charte de fondation de l’abbaye de Lessay ; on lit au bas de cette charte : † Signum Willelmi de Lestra.

Richard de Lestre signa une donation faite par Richard de Reviers, à l’abbaye de Montebourg, le jour de sa fondation . [9]

Vers l’année 1180, Jean de Lestre possédait des moulins et un dic dans la paroisse ou dans le fief dont il tirait son nom. [10] D’après les rôles de l’Echiquier de Normandie de la même année 1180, Robert de Lestre rend compte de 10 sous pour un gros poisson : Robertus de Lestre redd. compot. 10 sol. pro grasso pisce. In thesauro liberavit. Et quietus est.

Raoul de Lestre, en 1195, confirme à l’abbaye de Blanchelande le patronage de l’église de Saint-Martin-d’Escalleclif, aujourd’hui Doville, que son père lui avait donnée.

En 1209, le domaine de Lestre fut confisqué par Philippe-Auguste. La famille de Lestre qui, sans doute, avait suivi le parti du roi Jean Sans-Terre, continua de résider en Angleterre où l’on voit, sous Henri Ier, Richard de Lestre posséder une baronnie dans le comté de Sommerset ; un autre Richard de Lestre, en 1193, avoir un domaine dans le comté de Dorset, et en 1272, Robert de Lestre exercer les fonctions de schériff dans le même comté. [11]

Malgré la confiscation de leurs domaines, des membres de la famille de Lestre restèrent en Normandie. Ainsi, on voit Thomas de Lestre, sister aux assises qui furent tenues à Carentan, au mois d’août 1222, par Geoffroi Rossel, pour Mile de Levis, bailli de Cotentin. [12]

Guillaume de Brucourt, écuyer, obtint du Roi, en septembre 1323, une foire le jour Saint-Michel dans son fief de Lestre. [13]

Charles VII, en 1451, possédait la fiefferme de Lestre que ses prédécesseurs avaient inféodée pour une rente de 133 boisseaux de froment. [14]

Dans un roolle ou montre des hommes d’armes qui concerne la garnison de la ville de Caen, et son capitaine Monseigneur de Torcy, en l’an 1454, on lit : « Guieffroy de Lestre a esté fourny de logeis et d’extencilles par Guillaume Le Fornier pour le premier quartier, et pour l’autre quartier a esté fourny de logeis et d’extencilles par Colin du Mesnildo, ainsi qu’il est apparu par quictance passée devant Guillaume Propetit, tabellion à Condé sur Noire eaue. » [15]

La seigneurie de Lestre arriva dans les mains d’un seigneur, nommé Chapedelaine, qui la vendit à la famille Dursus.

En 1562, un détachement de protestants qui, sous le commandement de Sainte-Marie-d’Agneaux, se rendait à Tatihou, chercher du canon pour battre le château de Valognes, pilla celui de Lestre qui alors appartenait à Louis Dursus, seigneur de Lestre. [16] Ce château était placé à l’extrémité d’un village, nommé le Bourg de Lestre. On a signalé dans ses environs des traces de constructions.

Avant la Révolution de 1789, l’exercice de certains droits honorifiques faisait naître des contestations que les parties portaient souvent jusque devant les Parlements. C’est ainsi qu’un procès eut lieu dans le cours du XVIIe siècle entre Louis Eustache, prieur-curé d’Englesqueville, et Guillaume Dursus, seigneur et patron d’Englesqueville, à l’occasion de la place que le seigneur patron prétendait avoir dans l’église et que lui contestait le curé : par arrêt du 4 février 1658, que rendit le Parlement de Normandie, Dursus, tant pour lui que pour sa famille, fut maintenu en la séance du chœur du côté de l’Evangile. Il fut enjoint au curé de laisser ledit côté libre pour la famille Dursus, quoiqu’il prétendît qu’ayant huit prêtres et plusieurs clercs, le clergé devait être des deux côtés. L’arrêt portait encore que le curé ferait prier pour le Patron et le nommerait, encore que le Manuel ne l’y obligeât point. [17]

Montfaut, en 1463, mentionne comme noble à Englesqueville Olivier de Chapedelaine.

Roissy, en 1599, trouve nobles à Lestre, Louis et Guillaume Dursus. Louis Dursus, sieur de Lestre et de Hautmesnil, était lieutenant de roi, à Cherbourg, pendant les troubles de la Ligue.

Chamillard, en 1666, maintint nobles à Englesqueville, Guillaume et Robert Dursus.

La paroisse de Lestre dépendait de l’intendance de Caen, de l’élection et de la sergenterie de Valognes. En 1722, elle comptait 136 feux imposables, et en 1762-70, 626 habitants. Sa population en 1869 s’élève à 670 habitants.

Source :

Notes

[1] On lit dans l’Histoire des évêques de Coutances, par M. l’abbé Lecanu : la paroisse de Tourville est réunie à Lestre et celles des Hautmoitiers et d’Englesqueville le sont à la paroisse d’Octeville-l’Avenel ; pag. 527, 530, 532.

[2] Il est assez singulier, fait observer M. de Gerville, de voir donner le nom de ville à une simple bourgade.

[3] NDLR : année illisible.

[4] Cartulaire de Blanchelande. On lit sur une copie de l’acte de donation la date de 1190.

[5] Ces chartes existent dans les archives de la Manche.

[6] Mémoires de la Société des Antiquaires de la Normandie, tome I, pag. 321.

[7] Chronic. Fontanell. in Acherii Spicileg ; in-folio, tom. II, pag. 273.

[8] Etudes sur le département de la Manche, par M. de Gerville, p. 151.

[9] Gall. Christian., tom. XI, Instrum. col. 233.

[10] Annuaire du département de la Manche, année 1851, pag. 624.

[11] Mémoires sur les anciens châteaux de la Manche, par M. de Gerville, tom. I, pag. 319

[12] Voir les archives de la Manche.

[13] Annuaire du département de la Manche, année 1850, pag. 539.

[14] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tome I, pag. 320.

[15] Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, 6e année, pag. 494 et 501.

[16] Delalande, Histoire des guerres de religion dans la Manche, pag. 34.

[17] Basnage, sur la coutume de Normandie, tome I, pag. 241.