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07. Les Ducs héréditaires de Normandie - Guillaume le Conquérant

Septième duc de Normandie. (1035 - 1087)


NDLR : Guillaume le Conquérant, dit également Guillaume le Bâtard, Guillaume II de Normandie et enfin Guillaume Ier d’Angleterre, né à Falaise vers 1027 et mort à Rouen le 9 septembre 1087, est duc de Normandie de 1035 à sa mort et roi d’Angleterre de 1066 à sa mort.
Il est le fils illégitime de Robert le Magnifique et d’Arlette (ou "Herleva").


NDLR : texte de 1860, voir source en bas de page.


I - De 1035 à 1066

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A la nouvelle de la mort de Robert, toute la Normandie fut en émoi. Les membres de la famille ducale et un grand nombre de Normands ne voulaient pas se soumettre à un bâtard. Le comte de Brionne, tuteur de Guillaume ; Theroulde, son gouverneur, et Osberne, son intendant, furent massacrés par le parti opposé au jeune duc (1039).

Alain, duc de Bretagne, faisait tous ses efforts pour soutenir le jeune Guillaume ; mais il mourut empoisonné, dit-on, pendant qu’il faisait le siége de Montgomery (1040). Guillaume fut dès lors en butte aux prétentions de tous les ambitieux.

Gui, fils de Renaud de Bourgogne et d’Adèle de Normandie, entreprit de le renverser. Un grand nombre de Normands, parmi lesquels on comptait Nigel, comte de Cotentin ; Regnault, comte du Bessin ; Grimoult du Plessis, Raoul de Briquesart, Hamon de Thorigny, se déclarèrent en faveur de l’ambitieux, et bientôt tous les habitants de l’Ouest du duché embrassèrent son parti. Pour soutenir son pouvoir, Guillaume se vit obligé d’implorer le secours du roi Henri de France, vers lequel il députa Mauger, archevêque de Rouen. Henri se détermina facilement à secourir Guillaume. Indépendamment de ce que c’était pour lui une occasion de se mêler des affaires de la Normandie, il avait probablement intérêt à empêcher que Gui de Bourgogne ne réunît sous son pouvoir deux États puissants. Mais Gui de Bourgogne et ses partisans trouvèrent un appui d’un autre côté. Les Manceaux et les Angevins se réunirent aux insurgés pour combattre Guillaume et les Français, en sorte que le royaume se trouva divisé en deux partis prêts à en venir aux mains. Les Normands et les Bourguignons se rencontrèrent au Val-des-Dunes, à seize kilomètres de Caen. Les deux armées étaient séparées par la petite rivière de Muance. Les Normands la passèrent à Argences. Au moment du combat, Raoul Tesson, seigneur d’Harcourt, passa du côté de Guillaume avec ses cavaliers. Cette défection était de mauvais augure pour les insurgés. Cependant le combat s’engagea. Les deux armées poussèrent leur cri de guerre. La mêlée fut terrible. Le roi de France, atteint d’une lance, fut renversé et foulé aux pieds des chevaux. Mais Guillaume sut maintenir la supériorité de ses armes. Les insurgés, forcés de céder, furent poursuivis à travers les campagnes de Caen. Un grand nombre se noya dans l’Orne. Un plus grand nombre périt par le fer. Gui de Bourgogne courut s’enfermer dans le château de Brionne, qui lui appartenait. Guillaume alla l’y assiéger ; mais la place était très-forte ; elle se défendit pendant trois ans et ne se rendit que par la famine, en laissant échapper Gui, qui se sauva en Bourgogne. Le comte d’Anjou fut également châtié par Guillaume, qui lui enleva Alençon et fit couper les pieds à trente des habitants qui l’avaient insulté du haut des remparts. Ainsi s’acheva cette guerre. Les Normands de l’Ouest avaient voulu faire triompher le principe de l’hérédité, ils succombèrent dans leur entreprise. Nul doute que beaucoup des insurgés vaincus ne se soient déterminés alors à quitter la Normandie pour aller rejoindre leurs compatriotes d’Italie. Ceux qui restèrent virent resserrer les liens de leur liberté. La victoire des Dunes amena une véritable révolution dans le gouvernement de la province. La nature du pouvoir changea. Jusqu’alors les ducs n’avaient été que les chefs de la nation ; Guillaume en devint le maître. Sans droit à la couronne aux yeux d’un grand nombre de seigneurs, il ne pouvait régner que par la force. Pour se maintenir, il lui fallait abaisser tout ce qui se trouvait autour de lui. Nous allons le voir transformer peu à peu son pouvoir en véritable pouvoir absolu (1047).

Guillaume ne tarda pas à avoir à combattre un nouveau prétendant au cercle ducal dans la personne de Guillaume d’Arques, fils de Richard II, qui ne fit guère que prêter son nom à une coalition nouvelle, sous laquelle tout autre que le Bâtard eût succombé. Voici quelle en fut l’occasion. Le duc de Normandie, préoccupé d’une grande idée, celle de la conquête de l’Angleterre, voulait d’abord mettre en sûreté ses possessions du continent. Le plus sûr moyen d’y parvenir était de s’attacher ses ennemis naturels. Il songea au comte de Flandre, Baudouin, et lui demanda sa fille Mathilde. La jeune princesse se refusa d’abord à épouser un bâtard ; puis elle y consentit enfin. Mais un lien de parenté existant entre les deux époux, Mauger, archevêque de Rouen, les excommunia, et peu de temps après, ce prélat, dépossédé de son siége par Guillaume, fut trouvé mort sur la plage de Cherbourg. Tous ces événements excitèrent de sourdes rumeurs dans le peuple et réveillèrent les ambitieux. Le comte d’Arques se mit en avant. Le roi de France se déclara pour lui.

Un orage formidable se préparait. La Bourgogne, l’Auvergne, le Poitou, l’Anjou, la Bretagne se réunissent pour anéantir Guillaume. Le duc de Normandie se prépare à tenir tête. Deux armées s’avancent. L’une est commandée par Hugues de Bourgogne. Guillaume lui oppose Raoul d’Eu. L’autre est commandée par le roi de France. Guillaume marche en personne contre lui. L’armée commandée par Hugues s’avança jusqu’à Mortemer, dans le pays de Bray, et fut taillée en pièces. Celle du roi de France, en apprenant cette nouvelle, n’osa plus tenter les chances du combat et plia bagage. La paix fut conclue, le prétendant oublié. Et la mort du roi de France, arrivée bientôt après, laissa le champ libre à Guillaume et lui permit de songer à l’agrandissement de ses États.

On se rappelle qu’à la mort du roi d’Angleterre Ethelred, ses enfants furent obligés de se retirer en Normandie auprès de leur oncle Richard, tandis que leur mère Emma devint l’épouse du Danois Canut, qui prit sa place sur le trône. A quelques années de là, l’esprit changeant des insulaires rappela sur le trône un des fils du malheureux Ethelred. Ce fut Edouard, surnommé le Confesseur. Edouard avait alors près de quarante ans (1042). Il en avait passé vingt-sept exilé en Normandie. Les circonstances lui ayant ravi tout espoir raisonnable d’obtenir la couronne, il avait consolé les heures de son bannissement par les plaisirs de la chasse et les exercices de la religion, et il porta sur le trône les habitudes de modération et de paix qu’il avait prises dans la vie privée. Ce fut un bon roi plutôt qu’un grand roi. Il ne possédait pas cet esprit énergique nécessaire pour gouverner un peuple nouveau. Plusieurs seigneurs danois, à la tête desquels était son beau-père, le comte Godwin, purent impunément se révolter contre lui ; et comme il n’avait pas d’enfants, la couronne devint, même avant sa mort, le sujet de grandes contestations.

Les deux principaux compétiteurs étaient Guillaume et Harold, fils de Godwin. Le premier alléguait un prétendu testament d’Édouard ; le second, sa parenté avec la reine Edith, femme d’Édouard, qui était sa tante. Leurs titres réels étaient leur puissance et leur ambition.

Un hasard bien extraordinaire vint donner un grand avantage à Guillaume sur son concurrent. Un vaisseau sur lequel Harold avait mis à la voile échoua à l’embouchure de la rivière de Maye, dans le comté de Ponthieu. Une coutume barbare avait investi le seigneur de ce canton du prétendu droit de s’emparer non-seulement des débris du naufrage, mais encore des personnes qui y survivaient. Harold et ses compagnons, saisis sur le rivage, furent conduits au comte Gui, qui les renferma dans son château de Beaurain. Aucune circonstance ne pouvait être plus favorable aux vues de Guillaume. Il demanda au comte de Ponthieu les prisonniers en échange d’une terre considérable, et Harold passa entre ses mains. Le bouillant Danois fut traité à la cour du prince normand avec respect et générosité ; mais on ne lui laissait que l’apparence de la liberté, et il eut bientôt lieu de regretter les donjons de Beaurain. Forcé par la nécessité, il consentit à faire hommage de ses titres et dignités à Guillaume, comme à l’héritier présomptif d’Edouard. Mais la défiance du prince normand ne se contenta pas de la simple cérémonie de l’hommage. Devant une assemblée de ses barons, il contraignit Harold à jurer sur les saintes reliques qu’il emploierait tous ses efforts pour faire admettre les prétentions du duc à la couronne d’Angleterre, qu’il défendrait ses intérêts à la cour d’Édouard, et qu’il recevrait une garnison de Normands dans sa forteresse de Douvres. A la fin, comblé de présents, mais le cœur navré, il lui fut permis de quitter le territoire de son rival.

II - De 1066 à 1086

Au commencement de l’année suivante, le 5 janvier 1066, le roi Edouard mourut. Si nous jugeons le caractère de ce monarque par le témoignage de l’affection populaire, nous devons le ranger parmi les meilleurs princes de son temps. Ses sujets l’adoraient pour la bonté de son cœur ; ils déplorèrent sa mort par des larmes sincères et transmirent sa mémoire à leurs enfants comme un objet d’éternelle vénération. Le bonheur de son règne est le thème constant des anciens écrivains anglais. La bulle de canonisation publiée par Alexandre III, un siècle environ après sa mort, lui donna le surnom de Confesseur.

Il restait de la famille d’Ethelred un seul rejeton, Edgard, petit-neveu du feu roi ; mais s’il fut un moment question de ses droits, on les abandonna promptement. Le bruit avait été répandu qu’Édouard, sur son lit de mort, avait désigné Harold pour son successeur. Il fut proclamé roi dans une assemblée de nobles et de citoyens de Londres ; et le jour suivant éclaira les funérailles du dernier souverain et le couronnement du nouveau.

On apprit en Normandie par le même messager la nouvelle de la mort d’Édouard et celle du couronnement immédiat de Harold. Guillaume assembla son conseil, l’informa de cet événement et lui fit connaître sa résolution de soutenir par les armes ses prétentions à la couronne d’Angleterre. Un héraut fut envoyé vers Harold, pour lui rappeler ses anciens serments de fidélité et ses promesses. Le roi répondit que le serment lui avait été arraché par la force ; que la promesse de donner une couronne qui ne lui appartenait pas ne pouvait être obligatoire ; qu’il avait été élu roi par le libre suffrage du peuple, et que, lorsque viendrait le temps de le prouver, il saurait se montrer digne de ce choix. Guillaume s’attendait aussi bien à cette réponse de Harold que Harold s’était attendu à son message. Tous deux étaient d’avance déterminés à en appeler à leur épée, et les Anglais ne furent pas moins étonnés que les Normands des vastes préparatifs que l’on faisait pour décider cette importante querelle.

Guillaume employa huit mois à rassembler les armes et les vaisseaux nécessaires à son invasion. Quand tout fut prêt pour l’accomplissement de ce vaste projet, le duc fit publier à son de trompe que tout homme sachant tenir une épée ou une lance serait le bienvenu sous sa bannière. Il promettait le pillage après la victoire, et, en attendant le pillage, une forte solde. A cet appel répondirent tous les aventuriers de l’Europe occidentale ; ils arrivaient en foule du Maine et de l’Anjou, du Poitou et de la Bretagne, de la France, de la Flandre, de l’Aquitaine et de la Bourgogne. Celui-ci était chevalier, et il se contentait de prendre sa part dans la conquête ; celui-là était soldat, et il demandait au préalable des armes et de l’argent. Les capitaines qui amenaient avec eux leurs hommes d’armes réclamaient pour leur récompense, après la dernière bataille, un comté anglais ou la main de quelque riche héritière saxonne. Il y en eut même qui voulurent être évêques, et le duc Guillaume leur répondit qu’ils seraient évêques. En un mot, il promit tout ce qu’on lui demanda, l’argent, les terres, les titres, les évêchés.

Ceci fait, Guillaume alla prendre congé de Philippe Ier, roi de France, le priant de l’aider à conquérir l’Angleterre : « Après quoi, Sire, je promets de vous en faire hommage comme si je les tenais de vous. » Le roi Philippe et les barons ses conseillers trouvaient déjà que le duc de Normandie était un prince assez puissant, sans qu’on l’aidât à prendre l’Angleterre. Ce fut aussi l’opinion du comte de Flandre, son beau-père. Mais le duc Guillaume avait déjà calculé qu’il pouvait se passer du comte de Flandre et du roi de France.

Le rendez-vous général des forces du duc était à l’embouchure de la Dive, rivière qui se jette dans l’Océan entre la Seine et l’Orne. Le temps était froid et pluvieux, le vent était contraire ; une brise du sud avait poussé la flotte jusqu’à l’embouchure de la Somme, au mouillage de Saint-Valery ; [1] mais la tempête recommença, et il fallut attendre encore. Déjà cette armée, naguère si belliqueuse, était triste et découragée. Le duc Guillaume sentait chaque jour s’échapper sa conquête. Chaque jour il allait entendre la messe à l’église de Saint-Valery, et au sortir de la messe, il regardait le coq du clocher pour savoir d’où venait le vent. Des prières publiques furent ordonnées ; on promena autour de l’armée la châsse de saint Valery ; Enfin, le soleil se dégagea des nuages, le vent souffla ; une flotte de quatre cents navires se mit en route, précédée parle vaisseau du duc, au haut duquel flottait une bannière envoyée par le pape ; et le débarquement s’opéra sans opposition sur la côte ennemie, le 28 septembre 1066, à Pavensey.

On a sévèrement censuré la conduite de Harold en cette occurrence. Quelques historiens l’ont accusé d’avoir laissé, sans s’émouvoir, l’ennemi débarquer sur ses rôles, lorsqu’il eût été si facile à sa flotte de donner la chasse aux Normands. C’est qu’aux yeux de quelques hommes, les vaincus ont toujours tort. Harold était au contraire un guerrier fortement trempé, intrépide dans le combat, sage dans le conseil, et tel qu’il fallait pour résister à Guillaume ; mais à peine monté sur le trône, lorsque toutes ses ressources lui étaient nécessaires pour armer contre les Normands, il eut à lutter contre son frère Tostig, comte de Northumberland, qui souleva les populations indigènes et s’unit avec le roi norwégien Hardrada. Les confédérés norwégiens débarquèrent en Angleterre et songèrent à s’emparer d’York.

Malgré les efforts des généraux anglais, leurs troupes faiblirent une première fois.

Le roi d’Angleterre était pendant ce temps occupé à défendre ses côtes contre la prochaine arrivée des Normands ; ses troupes étaient fraîches, ses soldats armés, sa flotte prête à repousser l’agression. Sentinelle vigilante et infatigable, le jour et la nuit il se tenait prêt à combattre. Il y allait de sa gloire et de sa couronne. Voyant la saison s’avancer sans avoir avis de la flotte normande, il commença à croire qu’elle ne se présenterait pas avant l’hiver.

D’autre part, des messages multipliés venaient chaque jour lui apprendre que ses provinces du Nord étaient envahies et que l’armée norvégienne faisait d’affreux ravages. Harold voyait avec une douleur profonde le territoire anglais envahi par des étrangers ; son noble dévouement l’appelait au secours de ses frères. Espérant que quelques jours lui suffiraient pour repousser l’invasion, et qu’il serait encore revenu à temps au poste qu’il avait choisi comme le plus important et le plus périlleux, il partit avec ses meilleures troupes. Marchant à grandes journées, il arriva de nuit sous les murs d’York, qui venait de capituler. Heureusement, les Norvégiens avaient remis au lendemain leur entrée dans la ville. Harold, sans perdre de temps, fit savoir aux habitants qu’il était arrivé sous les murs de leur ville pour livrer bataille aux étrangers ; qu’ils eussent donc à fermer les portes de la ville et à veiller rigoureusement pour qu’aucun homme, quel qu’il fût, ne pût pénétrer au camp des Norwégiens et y porter la nouvelle des événements qui se préparaient.

Le lendemain, dès la pointe du jour, le roi d’Angleterre marche à l’ennemi. Hardrada, surpris, ne perd pas courage ; son âme s’exalte à la vue du danger, ses yeux brillent d’un éclat inaccoutumé ; il s’écrie : « Combattons, enfants du Nord ; marchons, quoique sans cuirasse, sous le tranchant des fers bleuâtres ; nos casques brillent au soleil ; c’est assez pour des gens de cœur. »

Le combat s’engage ; le premier choc est terrible. Les Norwégiens, serrés les uns contre les autres, derrière leurs lances plantées en terre, la pointe inclinée en avant, soutiennent sans s’ébranler la masse compacte des Anglo-Saxons, qui fondent sur eux avec fureur. Au milieu du carnage, le chef norvégien est tué. Harold, plein d’affection pour son lâche frère, lui fait offrir la paix, « La mort ! la mort ! » répond ce guerrier farouche. Le combat recommence ; Tostig est massacré par les soldats, et la victoire assurée à Harold.

Mais ce triomphe devait lui coûter sa couronne. Tandis que le roi d’Angleterre triomphait au Nord, la flotte normande abordait sans résistance à Pavensey. Le manque de vivres avait obligé les vaisseaux anglais, qui avaient longtemps croisé dans ces parages, de rentrer dans quelque port ; de manière qu’on n’eut aucun avis de l’approche de Guillaume, et qu’il put, contre son attente, opérer le débarquement de ses troupes sans être nullement inquiété. Les premiers qui descendirent à terre furent les archers ; ils se distinguaient du reste de l’armée par des vêtements plus courts et par leurs cheveux rasés. Ils étaient suivis des hommes d’armes à cheval, barons et chevaliers ou servants, couverts de cottes de mailles, armés de longues et fortes lances, d’épées nues à double tranchant, et portant en tête des heaumes en fer poli ; après eux venaient les travailleurs, pionniers, charpentiers, forgerons, qui transportaient pièce à pièce sur le rivage trois châteaux de bois que Guillaume avait fait construire en Normandie. Le duc descendit le dernier. Au moment, disent les chroniqueurs, où son pied toucha le sol, il fit un faux pas et tomba en avant, ce qui était d’un mauvais présage. Mais lui, avec une présence d’esprit digne de César : « Terre, s’écria-t-il, je te tiens de mes deux mains, et par la grâce de Dieu, tant qu’il y en a, mes compagnons, elle est à vous. » A ce cri d’enthousiasme, toute l’armée applaudit et se mit joyeusement en marche.

Guillaume n’était pas homme à perdre inutilement le temps. Il savait combien l’activité est nécessaire, dans une entreprise militaire surtout. Heureux de n’avoir rencontré aucune résistance en arrivant sur la côte d’Angleterre, dans un moment où l’ennemi aurait eu sur lui un immense avantage, il se hâta, sans prendre aucun repos, de s’éloigner de la mer et vint camper assez près de la ville d’Hastings. Ses travailleurs élevèrent deux des châteaux de bois qu’ils avaient débarqués par pièces, et élevèrent autour de son armée les fortifications nécessaires pour braver l’ennemi qui arrivait.

En effet, Harold, apprenant le débarquement de Guillaume, s’empresse de descendre à sa rencontre, sans donner à une blessure qu’il a reçue au combat d’York le temps de se refermer. A sa voix, toute l’Angleterre s’émeut, les soldats accourent, quinze mille combattants se rangent sous ses bannières, et l’impatient vainqueur de Hardrada court venger une population que les Normands accablent déjà des plus odieuses vexations ; il n’attend pas même les renforts qui lui arrivent du Nord et de l’Ouest.

La Conquête de l’Angleterre

Le lieu qui fut choisi pour vider cet important débat s’appelait Senlac, à neuf milles d’Hastings. C’était une hauteur ouverte vers le sud et couverte sur ses derrières par un bois fort étendu. A mesure que les troupes arrivaient, Harold les rangeait sur le penchant de la colline en une masse immense et compacte. Au centre flottait l’étendard royal, brodé en fil d’or et orné de pierres précieuses, et représentant un guerrier dans l’attitude du combat. Près de l’étendard se tenaient Harold et ses deux frères, et autour d’eux le reste de l’armée, composé uniquement de fantassins. Par cette disposition, le roi paraît avoir adopté, autant que le permettaient les circonstances, le plan qui récemment avait été si fatal aux Norvégiens. Il craignait le choc de la nombreuse cavalerie des Normands, dont les hommes et les chevaux étaient couverts d’une armure qui les rendait presque invulnérables. Afin de les attaquer avec plus de chances de succès, Harold avait fait amener des machines propres à lancer des pierres dans les rangs, et avait recommandé à ses soldats de se borner eux-mêmes, en combattant de près, à l’usage de la hache de bataille, arme très-pesante et très-meurtrière.

Sur l’éminence opposée, Guillaume s’occupait à ranger son armée en bataille. Il plaça sur le front les archers et les arbalétriers ; la seconde ligne se composa de la grosse infanterie, revêtue de cottes de mailles ; et derrière elle le duc plaça, en cinq divisions, l’espoir et l’orgueil de l’armée normande, les chevaliers et les hommes d’armes. Il n’est pas improbable qu’il ait essayé par ses discours comme par ses actions de communiquer son ardeur à cette multitude de guerriers de nations diverses. On nous permettra néanmoins d’omettre, comme inutile, le récit des messages du moine Hugues Maigrot, qui n’étaient que des bravades de mauvais goût, et les deux harangues que Guillaume de Poitiers et Henri de Huntington lui font prononcer. Ce que nous savons seulement de Guillaume même, c’est qu’en présence de ses barons, il fit à Dieu le vœu solennel, s’il remportait la victoire, de fonder une église pour le bien de l’âme de tous ses guerriers.

A neuf heures du matin environ, l’armée commença à s’ébranler, franchit l’espace qui séparait les deux éminences et gravit lentement la hauteur sur laquelle étaient postés les Anglais. Toustain, surnommé le Beau, portait en avant la bannière du pape, comme un gage de la victoire, honneur dangereux que deux barons normands avaient successivement refusé.

Au moment où les armées allaient engager le combat, un chevalier du nom de Taillefer, renommé pour ses hauts faits d’armes, demanda au duc de Normandie la faveur de frapper le premier coup, et, poussant son cheval en avant du front de bataille, il entonna le chant de Roland, l’accompagnant de poses et de jeux guerriers ; puis il se précipita sur les Anglais et en abattit un à ses pieds. A ce signal, les Normands poussent le cri national : « Dieu est notre aide ! » Les adversaires répondent par : « Croix du Christ ! la sainte croix ! » Et le combat commence.

Guillaume fait avancer les archers, qui épuisent leurs traits, se replient et laissent la cavalerie à découvert. Le noble bataillon s’avance, lourd, épais et redoutable ; mais les Anglais opposent sur chaque point une masse si solide et si impénétrable, que ni les boucliers ni les corselets ne purent résister à leurs haches de bataille, dont les coups, portés par des bras vigoureux, ne manquaient jamais leur but. La confiance des Normands s’évanouit à la vue de leurs pertes et de la contenance hardie de leurs ennemis. Après une courte pause, la cavalerie et l’infanterie de l’aile gauche commencèrent à fuir ; leurs adversaires les poursuivirent vivement, et le bruit se répandit que Guillaume lui-même avait péri. Toute l’armée commençait à plier quand le duc, son casque à la main, parcourut la ligne à cheval, en criant : « Je vis encore, et, avec l’aide de Dieu, je serai toujours vainqueur. » La présence de leur commandant et la confiance qu’il témoignait ranimèrent l’espoir des Normands, et la prompte destruction des Anglais qui avaient poursuivi les fuyards parut à leur esprit exalté une assurance de la victoire. Les braves mais imprudents soldats avaient en effet, à leur retour, été surpris par un gros de cavalerie. A pied et en désordre, ils furent anéantis en un moment par le glaive ou plutôt par les chevaux de l’ennemi ; nul ne survécut au carnage.

Guillaume ramena ses troupes à la charge ; mais la colonne anglaise, serrée et inébranlable comme un roc au milieu des vagues, repoussa tous ses efforts. Inquiet et désappointé, le Normand eut recours à un stratagème qui lui fut suggéré par l’avantage remporté au commencement de la bataille. Il donna l’ordre à une division de cavalerie de prendre la fuite. Les Anglais la poursuivirent, et leur imprudence fut suivie d’une destruction totale. Il employa la même ruse avec un succès égal sur une autre partie du champ de bataille. Ces pertes diminuèrent grandement les forces anglaises ; mais le corps d’armée se maintenait opiniâtrement dans sa position et défiait tous les efforts des Normands.

Durant l’engagement, Guillaume avait donné les preuves les plus signalées de sa bravoure personnelle. Trois chevaux avaient été tués sous lui, et il fut forcé de lutter à pied contre ses adversaires. Harold animait aussi ses soldats par ses discours et par son exemple et montrait un courage digne de la couronne pour laquelle il combattait. Quoique ses deux frères eussent déjà succombé, aucun homme ne concevait la crainte d’une défaite ou n’admettait la pensée d’une fuite. Mais un peu avant le coucher du soleil, une flèche lancée au hasard l’atteignit à l’œil. Il expira à l’instant, et la nouvelle de sa mort ralentit les efforts des Anglais. Vingt Normands entreprirent de s’emparer de la bannière royale, et ils effectuèrent leur projet, quoique plus de la moitié d’entre eux y succombât. Guillaume disgracia ensuite, pour sa brutalité, l’un de ces hommes, qui mutilait avec son épée le cadavre du roi. Vers la nuit, les Anglais lâchèrent pied et se dispersèrent dans les bois. Les Normands suivirent leurs traces à la clarté de la lune ; mais l’ignorance du pays les conduisit en un lieu coupé de fossés dans lesquels ils se précipitèrent avec toute l’ardeur de la poursuite. Les fuyards, rappelés par cet accident, se vengèrent sévèrement de leurs adversaires. Guillaume, attiré parles cris des combattants, se hâtait de les rejoindre, quand il rencontra Eustache de Boulogne et cinquante chevaliers qui fuyaient de toute leur vitesse. Il leur cria de s’arrêter. Le comte s’approcha de lui et au moment même reçut un coup dans le dos, qui fit jaillir le sang de la bouche et des narines. On le porta sans connaissance dans sa tente. L’intrépidité de Guillaume l’entraîna plus loin, jusqu’au théâtre du danger ; sa présence rendit le courage à ses troupes ; les secours arrivèrent, et les Anglais furent repoussés après une vive résistance.

Telle fut l’issue de cette fatale et mémorable affaire. Du côté des vainqueurs il y eut environ soixante mille hommes engagés, dont plus d’un quart resta sur le champ de bataille. Les vaincus, au nombre d’environ quinze mille, y trouvèrent presque tous la mort. Avec Harold périt toute la noblesse du Sud de l’Angleterre, perte qui ne fut jamais réparée. La mère du roi demanda comme une faveur qu’on lui rendît le corps de son fils, et pour rançon elle offrit de donner son poids en or. Le ressentiment de Guillaume le rendit inaccessible à l’intérêt comme à la pitié. Il ordonna d’enterrer le cadavre sur le rivage, ajoutant avec ironie : « Il gardait la côte quand il vivait, qu’il continue à la garder après sa mort. »

On se procura cependant, soit à prix d’argent, soit en les dérobant, les dépouilles mortelles du roi ; on les exhuma de ce lieu profane et on les déposa dans l’église de Walthal, que Harold avait fondée avant de monter sur le trône.

En apprenant la défaite d’Hastings et la mort du roi Harold, le peuple anglais fut frappé de stupeur et d’abattement, comme si déjà Guillaume eût été maître de tout le pays. Il semblait que tout fût perdu, que l’Angleterre tout entière eût succombé dans la personne de son valeureux chef. Les historiens racontent que, longtemps après la bataille, le peuple croyait voir encore des traces de sang tout frais sur le terrain où elle s’était livrée, toutes les fois que le sol était humecté par la rosée ou les pluies. Cette imagination, toute superstitieuse et vaine qu’elle fût, nous donne l’idée de la terreur et de la consternation dont fut frappée la nation anglaise.

Pour Guillaume, il eut une telle joie de l’issue de la bataille, qu’il commença sur-le-champ l’exécution de son vœu. Il fit tracer avec diligence le plan d’un monastère dédie à la sainte Trinité et à saint Martin, et ne négligea rien pour en faire un monument digne de sa reconnaissance. Le grand autel de l’église fut élevé à l’endroit même où Harold avait planté en terre son étendard. On traça l’enceinte des murs extérieurs autour de la colline qu’avaient si vaillamment défendue les Anglais, et où ils avaient trouvé une mort glorieuse. On donna en propriété à l’abbaye, qu’on appela l’abbaye de la Bataille, sur quatre kilomètres d’étendue, toute la terre circonvoisine où avaient combattu les deux armées, et on fit venir du couvent de Marmoutiers, près de Tours, une colonie de moines pour la peupler. Comme les architectes se plaignaient à Guillaume de ne pouvoir y trouver de source d’eau pour creuser un puits, le duc leur répondit d’un ton jovial : « Qu’à cela ne tienne ; car si Dieu me prête vie, il y aura plus de vin chez les religieux de la Bataille qu’il n’y a d’eau claire dans le meilleur couvent de la chrétienté. »

L’heureux vainqueur d’Hastings n’était pas toutefois sans quelque inquiétude, et la réflexion ne tarda pas à assombrir les premières joies de son triomphe. Le peuple, jaloux de sa liberté, n’allait-il pas se lever tomme un seul homme pour venger la mort de son roi ? Un autre Harold ne pouvait-il pas être appelé au trône par le suffrage de la nation, rallier rapidement toutes les milices et venir à sa rencontre à la tête d’une armée nombreuse et dévouée ? Il hésita un moment à s’avancer dans les terres, et se contenta de s’emparer de Douvres et de quelques autres places maritimes. Mais les événements le pressaient.

Immédiatement après la mort d’Harold, le conseil de la nation s’était assemblé à Londres. Malheureusement les intérêts généraux ne purent faire taire les rivalités ambitieuses. La candidature d’Edwin et de Mokar, deux beaux-frères d’Harold, renommés pour leur valeur et leurs hautes qualités, était appuyée par les hommes du Nord et les vrais patriotes. Les citoyens de Londres et l’archevêque de Cantorbéry donnaient la préférence à Edgard, neveu d’Edouard le Confesseur, prince d’un caractère faible et timide. Après bien des hésitations, le mauvais choix l’emporta, et le jeune Edgard fut proclamé roi. Edwin et Mokar, se croyant outragés, abandonnèrent l’armée, dont ils étaient l’âme. Le patriotisme s’éteignit à leur départ.

Guillaume savait tout cela et s’avançait lentement vers Londres, laissant au temps le soin de lui préparer les voies ; toutefois il chargea ses troupes d’occuper les environs de la ville, de ravager la campagne voisine et d’intercepter les convois destinés à l’approvisionnement de la capitale.

Cette tactique était habile, et Guillaume ne tarda pas à en recueillir les fruits. Le découragement gagnait l’armée ; les bourgeois craignaient déjà toutes les horreurs de la famine. Les plus timides parlaient tout bas de capitulation. « Ne valait-il pas mieux, disaient-ils, se rendre au vainqueur que de mourir de faim, après avoir vu périr les derniers débris des troupes fidèles ? »

Guillaume ne négligeait rien pour donner plus de force à ces bruits. Ruse et corruption, tous les moyens furent mis en œuvre par lui. Le peuple, si versatile, s’éprit d’enthousiasme pour le conquérant envoyé du ciel ; le jeune Edgard comprit qu’il n’avait plus qu’à déposer sa couronne ; il vint lui-même en faire hommage au duc de Normandie ; et le malheur du pays fut ainsi consommé.

Toute la conduite de Guillaume dans cette occasion décèle une grande habileté, une profonde dissimulation. Quoiqu’il eût pris les armes et traversé la mer pour placer sur son front la couronne royale, il ne se hâta point de prendre le titre de roi. Il feignit même de combattre l’empressement de quelques-uns de ses barons qui voulaient qu’avant de poursuivre la conquête, il se fit sacrer solennellement, selon l’usage du pays. Il feignit enfin de céder à leurs prières, et il fut résolu que la cérémonie du sacre se ferait dans l’abbaye de Westminster pendant les fêtes de Noël (1066). Cette fête fut troublée par un triste incident. Au moment où l’évêque consécrateur (Alfred, archevêque d’York) demandait, selon l’usage, aux Anglais s’ils voulaient reconnaître Guillaume pour souverain, quelques Normands pillards mirent le feu aux maisons voisines ; un grand tumulte se fit dans l’église, et Guillaume demeura presque seul avec les prélats, qui achevèrent le service avec précipitation.

Ce fait montre combien le conquérant était peu maître de ses soldats, et tendrait à l’excuser un peu du reproche de violences dont l’accusent les historiens à l’égard du peuple vaincu. Il paraîtrait, au contraire, qu’il porta des peines sévères contre les hommes d’armes qui se rendraient coupables de vol, de violence, d’incendie ou de meurtre. « Conduisez-vous, leur disait-il, comme des chrétiens, et non pas comme des loups altérés de sang. »

Disons toutefois que, s’il ne permettait l’avarice à personne, Guillaume gardait pour lui ce triste privilège, et nous inclinerions avec un historien à donner pour l’une des raisons de son voyage en Normandie, après son couronnement, le dessein de mettre à l’abri des chances de la guerre les immenses trésors que lui avaient valus les premiers pillages. Quelques écrivains donnent à ce voyage un motif encore plus odieux : celui de laisser détruire par ses troupes la noblesse anglaise, sans avoir la responsabilité des atrocités qu’elles commettraient. Le sage Lingard n’y voit qu’un trait de vanité.

Quoiqu’il en soit, au beau milieu de sa conquête, Guillaume, jusque-là si prudent, abandonna l’Angleterre pour venir montrer sa couronne en Normandie. Après avoir confié l’administration de l’Angleterre à son frère Eudes, évêque de Bayeux, il partit au mois de mars de l’année 1067 et vint débarquer à Fécamp. Il fut reçu avec enthousiasme par ses compatriotes. Partout où il passa, les travaux de l’agriculture et du commerce furent suspendus, et le jeûne solennel du carême se trouva universellement transformé en un temps de fête et de réjouissance. Autour du nouveau roi des Anglais, c’était une profusion insensée d’or et d’argent, de vases précieux, de tapisseries magnifiques. Les Normands restés dans leur province admiraient toutes ces choses et même les longs cheveux des captifs et des otages qui marchaient à la suite de leur duc ; car Guillaume s’était prudemment fait accompagner d’Edgard, d’Edwin, de Mokar et de beaucoup d’autres chefs dont la présence eût été dangereuse dans la Grande-Bretagne. Jamais un homme plus entouré d’honneurs et portant d’un front plus haut une plus belle couronne n’avait traversé cette grande province.

Pendant que le conquérant oubliait ainsi dans les fêtes les obligations que lui imposait son nouveau titre de roi, ses soldats demeurés en Angleterre accablaient les vaincus des plus atroces vexations. Tous les biens furent confisqués par les barons normands, qui forçaient les anciens propriétaires de travailler à la construction de leurs châteaux et les jetaient ensuite en prison.

Les monastères et les abbayes pillés, les églises profanées, les moines qui refusaient de reconnaître le nouveau roi chassés de leurs retraites ; les femmes, les filles livrées à la brutalité des soldats ; les plus nobles dames données en mariage à des aventuriers devant lesquels elles étaient forcées de cacher leurs larmes ; d’ignobles valets d’armée, des bouviers de Normandie, des tisserands de Flandre enrichis des dépouilles des seigneurs, possesseurs de châteaux, devenus de hauts hommes fous d’orgueil d’avoir des serviteurs plus riches que n’avaient jamais été leurs pères, se croyant permis tout ce qu’ils voulaient, versant le sang au hasard, arrachant le morceau de pain de la bouche des malheureux, prenant tout, l’argent, les biens, les terres, disposant à leur fantaisie des plus nobles personnes et ne leur laissant qu’à pleurer et à souhaiter la mort ; de braves guerriers couverts de blessures, des vieillards vénérables qui, après une longue vie de combats, étaient venus chercher un peu de repos au sein d’une famille chérie, violemment arrachés de leur demeure pour faire place à l’étranger qui la voulait ; des villes jadis florissantes, où l’œil attristé n’apercevait que des ruines et des cendres ; partout la crainte, l’oppression et la douleur : tel fut le spectacle que présenta l’Angleterre partout où la conquête fit sentir son joug de fer et étendit ses horribles vengeances.

Enfin l’absence de Guillaume aidant, l’excès de la misère porta les vaincus aux résolutions les plus désespérées. La province de Kent fut la première à se soulever. Exeter suivit son exemple ; le pays de Galles, Londres elle-même, et tout le Nord, peuplé des malheureux que la guerre avait chassés de leurs domaines, sentaient le besoin de secouer un joug odieux. Edgard, rendu intéressant par ses infortunes, accourt, implore secrètement la protection du roi d’Écosse, reçoit des secours du Danemark et lève l’étendard de la délivrance.

Guillaume, dans ces circonstances difficiles, eut recours à son arme ordinaire, la ruse, secondée par la bravoure. Il trompa les uns par d’hypocrites caresses et témoigna aux habitants de Londres une amitié sans bornes, puis il alla mettre le siége devant Exeter, où s’était réfugié un neveu du roi Harold.

Guillaume pressa longtemps en vain cette ville ; la famine y faisait chaque jour de nombreuses victimes, et elle ne songeait point à se rendre. La trahison vint encore une fois au secours du conquérant ; mais il avait perdu ses meilleures troupes devant cette place ; aussi fut-il impitoyable. Les Saxons furent massacrés, et ceux qui parvinrent à s’échapper furent désignés sous le nom de Têtes de Loup, parce qu’il était permis à chacun de leur faire la chasse.

Une grande défaite que Guillaume essuya sous les murs d’York le conduisit à deux doigts de sa perte. Heureusement qu’à l’aide de cette ruse de renard qui l’avait toujours si bien secondé, il trouva moyen de détacher les Danois de la ligue. S’avançant alors à grandes journées, il s’empara rapidement d’York, de Durham, et ravagea le pays d’une manière si horrible, que pendant neuf ans on ne vit pas un arpent de terre cultivé entre York et Durham. Les hommes, les bestiaux, les maisons, les grains, les instruments de labourage, tout fut anéanti. Précédé par la terreur qu’inspirait sa colère, Guillaume s’avança ainsi vers le Nord, qu’occupaient les Écossais, et force leur fut de poser les armes.

Il ne restait plus à soumettre qu’une petite troupe de héros retirés dans l’île d’Ély, au nord de la province de Cambridge, où ils avaient établi un camp, dit le camp du Refuge, dans un terrain inaccessible. De là ils appelaient à eux tous les mécontents. Des prélats, des hommes de guerre, des chefs en grand nombre s’y étaient réunis pour préparer l’affranchissement de la patrie. Hereward les commandait, et les Danois avaient une seconde fois promis leur secours.

En présence de ce nouveau péril, Guillaume ne changea point sa tactique. Mokar, attiré à la cour, fut mis aux fers ; Edwin, attaqué par surprise, eut la tête tranchée, et le conquérant marcha contre le camp du Refuge. Résolu d’en finir avec l’insurrection, il fit construire d’immenses travaux à travers les marais. L’intrépide Hereward s’opposa avec succès aux travailleurs et les trompa si habilement, qu’ils lui donnèrent le nom de sorcier. Désespérant de le vaincre par les moyens naturels, les superstitieux Normands lui opposèrent une vieille sorcière, qui, au moyen de ses enchantements, s’engagea à déconcerter toutes ses ruses, et qui, pour cet effet, monta sur une tour en bois qui protégeait les ouvrages les plus avancés, et de là encouragea les soldats et les travailleurs à ne rien craindre. Tout à coup Hereward parut, et, mettant le feu à une forêt d’osier, il brûla la tour avec la magicienne, et la plus grande partie des Normands périt au milieu des flammes. Ainsi, le courage et la prodigieuse activité d’un seul homme arrêtait toutes les forces du nouveau roi.

Bloqués dans leur île comme dans une ville de guerre, sans secours, sans provisions du dehors, les Anglais, soutenus par l’exemple de leur chef, résistaient à une armée bien supérieure en nombre, et chaque jour quelque nouvel avantage remporté sur l’ennemi relevait leur confiance et leur courage. On ne sait même trop ce qui serait advenu de cette lutte désespérée, sans l’indigne trahison de quelques-uns, qui, pour échapper aux horreurs de la faim, offrirent à Guillaume de lui livrer un passage secret, sous la condition que leurs biens seraient respectés. La proposition fut accueillie avec joie. On promit aux traîtres tout ce qu’ils demandèrent, sauf à l’oublier plus tard, et les troupes normandes, pénétrant inopinément dans l’Ile, massacrèrent mille Anglais ; puis, se portant rapidement sur le camp du Refuge, elles forcèrent les insurgés à mettre bas les armes. Comme de coutume, Guillaume se montra impitoyable après la victoire. Sans respect pour le courage malheureux, il traita avec une odieuse inhumanité ces braves guerriers que la trahison seule lui avait livrés. Hereward, avec un petit nombre de compagnons, parvint à s’échapper. Il guerroya encore quelque temps ; puis, vaincu comme autrefois Hercule, il se consola de sa défaite en goûtant dans l’obscurité les joies de la famille.

Ainsi fut achevée la conquête de l’île. Nous avons voulu rapporter toutes les expéditions militaires avant de nous livrer à l’étude de la nouvelle administration imposée par Guillaume. C’est ce qui va maintenant nous occuper.

Nouvelle organisation de l’Angleterre

Une population indigène avec un roi étranger, un clergé étranger, une noblesse étrangère, tel est en raccourci le tableau que présenta l’Angleterre après la conquête. Ce n’était pas tout d’avoir vaincu, il fallait payer les vainqueurs. Il se trouva alors que Guillaume avait trop promis. Les Normands demandaient à hauts cris le partage ; il fallut en venir là. Tout le royaume fut mesuré, coupé, divisé en soixante mille domaines, que se partagèrent les compagnons du duc de Normandie. Avec quelle ardeur les vainqueurs se précipitèrent sur cette proie opulente ! Avec quel empressement ils inscrivirent leurs noms sur cette liste insolente de nouveaux propriétaires et de nouveaux gentilshommes de l’Angleterre ! Le livre des conquérants devenus propriétaires s’appelle encore le Domesday-Book. Disons aussi : que d’injustices, que de cruautés dans le partage ! Tout Anglais qui avait pris les armes contre le duc Guillaume ou qui avait voulu les prendre était dépouillé de ses terres et de ses revenus. Guillaume gardait pour lui les trésors des anciens rois, l’orfèvrerie des églises et ce qu’on avait trouvé de plus précieux. A ceux qui avaient vendu leurs terres en Normandie pour l’aider aux premiers frais de la guerre, il donna le double de terre en Angleterre. Les chevaliers et les barons eurent des châteaux, des bourgades, des villes entières. Les simples vassaux eux-mêmes ne furent pas oubliés dans ce partage.

Un moine normand nommé Guimond, donna alors un exemple de courage et de désintéressement. Guillaume avait dépossédé tous les évêques et les abbés saxons, et il avait donné leurs biens et leurs dignités au clergé de Normandie. Il offrit un archevêché à Guimond, qui n’était qu’un simple religieux.

« A Dieu ne plaise, seigneur, répondit ce véritable chrétien, que je me charge d’un fardeau que je ne pourrais porter. Un évêque doit être le pasteur et le père de son peuple ; comment pourrais-je devenir le père de ces malheureux vaincus dont je ne sais même point parler la langue ? et comment pourraient-ils avoir pour moi un attachement filial, puisque j’appartiens à la nation qui a fait périr leurs frères et leurs fils, et qui a couvert leur patrie de sang et de ruines ? La seule grâce que je vous demande, seigneur, c’est de me laisser retourner en mon couvent, où je prierai jusqu’à mon dernier soupir pour que Dieu vous pardonne les maux dont vous avez accablé ce pauvre pays. »

Cette noble conduite ne trouva pas d’imitateurs. Tous ces aventuriers partis de Saint-Valery, à la grâce de Dieu, tous ces soldats de fortune, n’ayant que la cape et l’épée, devinrent d’illustres barons et donnèrent naissance à une nouvelle aristocratie.

On ne peut trop décider si l’institution des fiefs existait en Angleterre ou si elle y a été introduite par le conquérant. La dernière supposition est généralement adoptée. Guillaume voyant que l’épée seule pouvait lui conserver cette couronne acquise par l’épée, l’hostilité incessante de ses voisins peut lui avoir suggéré l’expédient d’entretenir une force toujours prête à écraser les révoltés et à intimider les mécontents. Il n’était guère possible d’imaginer un plan mieux calculé pour obtenir ce résultat que celui qui obligeait chaque tenancier en chef d’avoir un certain nombre de chevaliers toujours prêts à combattre sous sa bannière et à obéir au commandement du souverain.

Les choses étaient ainsi distribuées : à la tête de l’État, le roi ; après lui, trente ou quarante grands tenanciers relevant du roi ; après les grands tenanciers, un nombre infini de sous-tenanciers relevant des grands tenanciers ; enfin, le serf et le peuple.

Chaque vassal devait à son seigneur immédiat, d’abord le service militaire, ensuite un certain nombre d’obligations et de charges, dont la plus remarquable était l’hommage qu’il fallait rendre pour obtenir l’investiture de son fief. Sans armes, la tête nue, à genoux, les mains placées dans celles de son seigneur, le vassal répétait ces mots : « Écoutez, mon seigneur, je deviens votre homme-lige pour ma vie, pour mes membres, pour mes dignités terrestres ; je vous serai fidèle et sincère à la vie et à la mort. Ainsi, que Dieu me soit en aide. » Un baiser terminait la cérémonie.

III - La fin du règne de Guillaume

Le Conquérant était parvenu à l’apogée de sa puissance. Des malheurs de famille vinrent lui rappeler qu’il était mortel. Son fils Robert se révolta contre lui ; Mathilde de Flandre, femme simple et bonne, mourut en 1083. Cette princesse, restée modeste et chrétienne au milieu de sa haute fortune, avait souvent modéré par ses prières la violence de son terrible époux. Le roi Guillaume se livra désormais à toute l’impétuosité de son caractère.

Le roi de France, sans respect pour son vassal devenu roi, s’était permis de piller quelques parties de la Normandie et de parler assez légèrement de lui. Guillaume, brûlant du désir de se venger, repassa sur le continent. Mais à peine fut-il arrivé dans son palais de Rouen, qu’il lui fallut se mettre au lit. Son corps succombait sous le poids de la fatigue et de l’âge. Le roi de France l’apprit. « Quand donc accouchera-t-il ? » dit plaisamment un jour Philippe à ses courtisans. Il faisait allusion à l’embonpoint du duc. Le mot fut rapporté au roi Guillaume, qui s’écria : « Par le ciel, mes relevailles se feront à Notre-Dame de Paris, avec dix mille lances en guise de cierges. »

En effet, le voilà debout, guéri soudain par la colère. Il marche sur Paris. Il brûle, il arrache, il déchire tout ce qu’il rencontre sur son passage. La ville de Mantes, Mantes la Jolie, est mise à feu et à sang par des soldats forcenés que pousse la colère du maître. Mais tout à coup le Conquérant, galopant au travers de l’incendie, fut renversé par son cheval dans les cendres brûlantes. Ce fut sa dernière campagne. On eut beaucoup de peine à le transporter jusqu’à Rouen. Puis, l’agitation de cette ville bruyante le fatiguant, il se fit porter dans un monastère situé hors des murs. Ce fut là qu’il mourut, après une agonie de six semaines.

A son lit de mort ses deux jeunes fils Guillaume et Henri veillaient, attendant les ordres et surtout le dernier soupir de leur père. Robert, l’aîné, n’avait pas paru depuis sa révolte ; mais le roi son père lui avait précédemment promis le duché de Normandie.
« Quant au royaume d’Angleterre, dit-il, je ne le lègue en héritage à personne, parce que je ne l’ai point reçu en héritage, mais acquis au prix d’une longue lutte et de beaucoup de sang ; je le remets entre les mains de Dieu, me bornant à souhaiter que mon fils Guillaume, qui m’a été soumis en toutes choses, l’obtienne, s’il plaît à Dieu, et qu’il y prospère ».
« Et moi, mon père, que me donnes-tu donc ? » lui dit vivement Henri, le plus jeune de ses fils. »
« Je te donne 5,000 livres d’argent de mon trésor, lui répondit Guillaume. »
« Mais que ferai-je de cet argent, si je n’ai ni terre ni demeure ? »
« Sois tranquille, mon fils, dit le mourant, et aie confiance en Dieu ; souffre que tes aînés te précèdent, ton temps viendra après le leur... »

Henri sortit brusquement pour aller se faire peser les 5,000 livres d’argent, et Guillaume se retira en même temps pour aller recueillir la couronne d’Angleterre.

Guillaume était donc cruellement désabusé. Il avait cru à l’obéissance, à l’affection des deux fils demeurés près de lui, quand Robert, emporté par l’ambition et par l’amour effréné des plaisirs, lui avait dit un éternel adieu, et dans ses derniers moments il se retrouvait seul avec quelques serviteurs intéressés. Pas un ami auprès de son lit de mort, pas une voix affectueuse pour calmer et consoler ses souffrances, pas une main dévouée pour soutenir sa tête languissante. Son cœur dut être bien douloureusement frappé ; de tristes et accablantes pensées agitèrent sans doute son âme. Toute sa vie il n’avait rêvé que gloire et grandeur ; la couronne ducale de ses pères n’avait pas paru assez brillante à son orgueil ; il avait voulu le diadème des rois ; pour en ceindre sa tête, il avait affronté les dangers des combats, il avait sacrifié les trésors de ses sujets, répandu des flots de sang, semé sur ses pas des ruines qui devaient longtemps rendre témoignage de ses terribles vengeances ; il avait écrasé, humilié, dépouillé toute une nation innocente, spolié les églises, brûlé les monastères ; dans sa politique ombrageuse et cruelle, il avait frappé toute tête qui ne se courbait pas servilement devant son sceptre usurpé ; il avait amassé contre lui bien des colères. Les malédictions des vaincus avaient demandé au ciel vengeance, et les larmes des pauvres avaient parlé contre lui à celui qui jamais n’est sourd au cri de détresse de l’opprimé. Aussi Dieu l’avait frappé. Vingt ans durant il avait senti trembler sur son front la royale couronne qui lui avait coûté tant de travaux et de crimes. Ses fidèles barons eux-mêmes l’avaient méprisé, haï ; et leur voix, unie à celle de ses ennemis, avait flétri son nom d’une de ces accusations qui déshonorent le plus la royauté. Le jour et la nuit les ombres des victimes que sa haine avait frappées s’était dressées devant lui comme autant de fantômes effrayants ; et châtiment plus terrible encore, quand il n’a plus que quelques heures à vivre, ses enfants l’abandonnent froidement, l’un pour se saisir d’un peu d’or, l’autre pour courir après une couronne qui ne lui appartient pas encore. Qui ne reconnaîtrait ici la Providence, dont les hommes accusent quelquefois le sommeil apparent, mais qui un jour se manifeste pour donner à tous de grands et salutaires enseignements ?

Le 10 septembre (1087), au moment où le soleil se montrait à l’horizon, le bruit des cloches éveilla le malade ; il demanda ce que signifiait ce bruit ; et comme on lui répondit qu’on sonnait prime à l’église Sainte-Marie, il leva les mains et dit : « Je me recommande à Mme Marie, la sainte mère de Dieu. » Ce fut sa dernière parole, et un moment après il expira.

Aussitôt qu’il fut mort, ses médecins et ceux qui l’avaient assisté pendant sa maladie se retirèrent précipitamment, n’ayant d’autre pensée que de veiller sur leurs domaines et leurs maisons. Les serviteurs du prince s’enfuirent de leur côté, emportant tout ce qui leur tomba sous la main, les armes, l’argenterie et jusqu’aux vêtements du défunt. Pendant plusieurs heures le cadavre demeura à peu près seul et presque nu sur le plancher, jusqu’à ce que les prêtres et les moines vinrent en procession prier tour à tour pour son âme.

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L’archevêque de Rouen voulut que le corps fût porté à Caen, pour y être déposé dans l’église de Saint-Étienne, que Guillaume avait fait bâtir à ses frais. Au moment de le transférer, aucun membre de sa famille, aucun de ses officiers et barons ne se présenta pour présider au convoi, et ce fut un simple gentilhomme de la campagne qui, par bon naturel et pour l’amour de Dieu, se chargea de le faire ensevelir et transporter par eau jusqu’à Caen, où l’abbé de Saint-Étienne, à la tête de ses religieux et d’un nombreux clergé, vint recevoir le corps et le conduisit solennellement jusqu’à l’église du monastère.

Un incident auquel on était loin de s’attendre vint encore troubler la cérémonie. La messe était achevée, et l’on allait descendre le corps dans la fosse creusée entre l’autel et le cœur, lorsqu’un homme, perçant la foule, s’écria à haute voix : « Clercs, évêques, ce terrain est à moi ; c’était l’emplacement de la maison de mon père. L’homme pour lequel vous priez me l’a pris de force pour y bâtir son église. Je n’ai point vendu ma terre, je la réclame au nom de Dieu. » Cet homme se nommait Asselin. Sa demande parut juste, et les évêques lui payèrent 60 sous pour le lieu seul de la sépulture, lui promettant en outre de l’indemniser pour le reste du terrain qui lui avait été enlevé, et la cérémonie continua. Mais il se trouva que la fosse n’étant point assez large, on dut forcer le cadavre pour l’y faire entrer ; il creva alors, répandant par toute l’église une odeur infecte, qu’on s’efforça vainement de combattre par la fumée de l’encens et des parfums ; il fallut se presser et achever en toute hâte les dernières prières, dont le peuple n’attendit pas même la fin.

Ainsi mourut, âgé de soixante ans, Guillaume le Bâtard ou le Conquérant, si diversement jugé par ses contemporains et par la postérité. Brave et fier comme ceux de sa race, infatigable, se raidissant contre les obstacles et les dangers, prudent, habile, dissimulé jusqu’à la ruse et au mensonge ; intrépide sur un champ de bataille, mais calculant à l’avance toutes les chances du succès ; fougueux et ardent, mais sans témérité, et ne s’engageant dans aucune aventure avant d’y avoir mûrement et longtemps réfléchi, impétueux dans ses colères et sachant presque toujours les régler, les conduire dans les intérêts de sa politique ; ambitieux, avide de renom et de gloire, mais voilant cette passion sous des prétextes honnêtes et spécieux et n’hésitant pas au besoin à se servir du nom sacré de la religion pour mieux couvrir ses coupables pensées ; fier et hautain quand il pouvait l’être sans danger, et prenant, quand il le croyait utile, toutes les apparences de la modération et de la douceur ; vindicatif, ne pardonnant, n’oubliant jamais, mais sachant attendre l’heure favorable pour accomplir ses vengeances et les justifier par une espèce de légalité ; respectant la religion, attaché à la foi de ses pères, mais ne se faisant aucun scrupule de dépouiller les églises, de persécuter les évêques et les moines, et de bouleverser toutes les constitutions de l’Église d’Angleterre, Guillaume fut un mélange, bizarre de bonnes et de mauvaises qualités, de vertus et de vices, de grandeur et de faiblesse ; il y eut en lui comme deux hommes, et l’histoire a pu le glorifier ou l’accuser, selon qu’elle l’a considéré sous son bon ou son mauvais côté. (Aug. Thierry.)

Portfolio

Les possessions de Guillaume à sa mort en 1087

Notes

[1] NDLR : Saint-Valery-sur-Somme.