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Sainte-Marie-du-Mont - Notes historiques et archéologiques


NDLR : texte de 1873, Voir source en bas de page.


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ainte-Marie-du-Mont, Sancta Maria de Monte.

La paroisse de Sainte-Marie-du-Mont doit son nom à son église dédiée à la Vierge Marie, et à sa situation sur un point très-élevé, d’où l’on découvre un des horizons les plus vastes et les plus variés du Cotentin.

L’église paroissiale de Sainte-Marie-du-Mont est cruciforme, et se compose du chœur, d’une nef avec bas côtés, d’un transept et d’une tour. Elle présente des caractères d’architecture appartenant au roman du XIe ou XIIe siècle, et au style ogival des XIIIe, XIVe et même XVIe siècles.

La nef, sauf les retouches ou additions, est du XIe siècle. On remarque, dans le mur méridional, des assises de maçonnerie en arête de poisson, et une porte d’un caractère roman. Les fenêtres qui primitivement éclairaient cette partie de l’église étaient petites et étroites à l’extérieur et ébrasées à l’intérieur. Il existe dans le bas côté sud une ogive romane ornée de zigzags. Les modillons qui ornaient le haut des murs et qu’on voit encore, présentent des figures grimaçantes, des têtes grotesques et autres sujets appartenant évidemment à l’époque romane. On remarque sur un des chapiteaux un centaure qui décoche un trait contre un cerf dont il n’est séparé que par un arbre : c’est sans doute un sujet symbolique. Sur un autre, c’est Jésus-Christ nimbé que soutiennent deux anges : il porte d’une main sa croix et bénit de l’autre ; à ses côtés se tiennent saint Pierre et saint Paul, qu’on reconnaît l’un à ses clefs, l’autre à son épée. Sur un autre, c’est l’avarice figurée dans un homme qui tient à la main une large bourse, et qui semble interroger un dragon ailé qui se tient près de lui. L’avarice ainsi symbolisée se trouve souvent sur les chapiteaux des églises du XIe siècle.

La nef communique avec les bas côtés au moyen de plusieurs grandes arcades cintrées. Ces nefs latérales, sauf les retouches, sont aussi du XIe° ou XIIe siècle.

Le chœur voûté en pierre est du XVIe siècle.

Un clocher composé d’une tour carrée reposant sur quatre piliers s’élève au-dessus du transept. La tour devient octogone, et se termine par une coupole qui, renversée par la foudre, a été reconstruite il y a quelques années. Cette tour, dans sa partie inférieure, accuse le XIVe siècle ; mais la partie supérieure depuis l’octogone est du XVIe siècle.

Plusieurs fenêtres offrent des armoiries qui appartiennent aux familles Aux Epaules et Beaugendre.

Sous le chœur de l’église, il existe une crypte, caveau funéraire, qui renferme les restes des membres de la famille Aux Epaules, et notamment ceux de Henri-Robert Aux Epaules, capitaine des gardes de Henri IV, et lieutenant-général de Normandie ; de Jean-François de la Guiche Saint-Géran, maréchal de France, et de Suzanne Aux Epaules, sa femme ; de Marie de la Guiche, leur fille, mariée à Charles de Levy, duc de Ventadour.

On remarquait, avant la révolution, dans cette église un groupe en marbre représentant Henri-Robert Aux Epaules, accompagné de deux gardes à genoux sur un coussin, dans une attitude suppliante, les mains jointes sur la poitrine et couvertes de leurs gantelets. Ce monument fut arraché au vandalisme révolutionnaire et conservé par un ami des beaux-arts.

L’une des cloches porte l’inscription suivante :

D. S. A. TRÈS HAUT, TRÈS PUISSANT ET TRÈS ILLUSTRE PRINCE
CHARLES DE ROHAN, PRINCE DE ROHAN, DE SOUBISE,
D’EPINOY ET DE MAUBUISSON, PREMIER BEER ET CONNÉTABLE
HÉRÉDITAIRE DE FLANDRE, COMTE DE SAINT PAUL, DE VENTADOUR,
DE TOURNON ETC, BARON, SEIGNEUR CONSERVATEUR ET
FONDATEUR DE L’ÉGLISE ET PAROISSE DE SAINTE-MARIE-DU-MONT,
REPRÉSENTÉ PAR FRANÇOIS DESPORTES, ÉCUYER, SEIGNEUR ET PATRON
DE GOUBERVILLE ET MARIE-THÉRÈSE MASSON, SON ÉPOUSE,
M’ONT NOMMÉE MARIE, EN 1737. NOUS AVONS ÉTÉ REFONDUE
A LA DILIGENCE DE NOBLE HOMME LOUIS SYMON DE FRANQUEVILLE
ET DE MESSIRE CHARLES LESIEUR, PRÊTRES.

Au bas de cette cloche, on lit ces mots :

ECCE MARIA VOCOR, SUM PRIMA ET SACRA MARIAE ;
LAUDO DEUM VERUM, FULMEN FUGO, FESTA DECORO,
DEFUNCTOS PLORO, PLEBEM VOTO, C0NGREG0 CELRUM,
CUNCTAS ET SEMPER RAPIDI SONO TEMPORIS HORAS.

Il y avait dans la paroisse deux chapelles ; l’une était désignée sous le nom de chapelle des lépreux ou des ladres. Elle était sous le vocable de saint Antoine ; le curé en avait le patronage ; elle a existé jusqu’au commencement du XVIIe siècle.

L’autre chapelle était sous le vocable de sainte Marie-Madelaine ; elle a dû, dans le XVIe siècle, en remplacer une qui datait du XIe siècle : on trouve dans ses environs des restes de construction. On s’y rend en pèlerinage dans les temps de maladies, de sécheresses ou de calamités publiques.

L’église de Sainte-Marie-du-Mont dépendait de l’archidiaconé du Cotentin et du doyenné du Plain. Le patronage appartenait au chapitre de Coutances, et le curé qu’il présentait était archiprêtre, et jouissait à ce titre de plusieurs privilèges. Les dîmes appartenaient à l’évêque et au chapitre de Coutances, qui étaient les gros décimateurs. Cependant les abbés de Blanchelande, de Montebourg et de Saint-Wandrille avaient chacun un trait de dîme. Le trésor de l’église avait la dîme de la partie de la paroisse nommée Etaville ; le seigneur du lieu avait la 12° gerbe.

En 1665, le patronage appartenait à l’archiprêtre ; l’évêque et le chapitre avaient les dîmes et payaient les décimes et les charges. La cure valait 400 livres avec les novales en sus. Le curé, plus tard, obtint, en outre, le quart des dîmes que percevaient l’évêque et le chapitre.

La paroisse qui nous occupe est appelée Poupevilla, dans le pouillé du diocèse de Coutances, rédigé dans le cours du XIIIe siècle, et désignée sous le nom de Sainte-Marie-du-Mont, dans celui du XIVe siècle. Aujourd’hui Poupeville n’est plus qu’un hameau de la paroisse de Sainte-Marie-du-Mont. Son église abandonnée, et en partie ruinée, a servi à des usages domestiques. Cet abandon remonte sans doute à l’époque où l’église de Sainte-Marie-du-Mont put réunir tous les paroissiens.

Les domaines de Poupeville et de Varreville paraissent avoir appartenu, au XIe siècle, à Robert de Vieilles, fils d’Onfroy. Ce fut à sa prière que Guillaume, duc de Normandie, transféra à l’abbaye de Saint-Wandrille les églises qu’il avait précédemment données à ce seigneur, et au nombre desquelles figurent celles de Sainte-Marie-de-Poupeville.... et S. Mariae de Popevilla. [1]

Le pape Eugène III, confirmant, en l’année 1145, à Algare, évêque de Coutances, les biens de sa cathédrale, mentionne Poupeville en ces termes : ecclesiam Sanctae Marie de Pupevilla, cum cimeterio, decimis, terra Radulphi de Spalda et aliis pertinentiis. [2] Cette paroisse est ainsi nommée dans plusieurs actes de donations ou de confirmations.

Henri II concéda les terres de Poupeville et de Varreville à Richard de la Haie ; on voit, en 1190, Richard Cœur de Lion, donner à Richard du Hommet et à Gille, sa femme, Poupeville et Varreville. [3]

Les fiefs, terre et seigneurie de Poupeville dépendaient de l’ancienne baronnie de la Luthumière. Cette seigneurie, appelée aussi le Lorey, avait une basse justice, exercée par un sénéchal que le seigneur nommait. Ce fief du Lorey devait un oiseau de rivière et deux tiers de poule.

Un autre grand fief dépendant aussi de la baronnie de la Luthumière, était l’ancienne seigneurie de Sainte-Marie-du-Mont, appelée la seigneurie de la Rivière, sous la chatellenie de la vicomté de Carentan. C’était un plein fief de haubert, avec basse justice, cour et usage, exercée par un sénéchal, nommé par le seigneur ou la dame du lieu. Cette seigneurie avait aussi un marché chaque semaine, trois foires annuelles et le patronage honoraire de l’église de Sainte-Marie-du-Mont.

Le domaine et le château de Sainte-Marie-du-Mont ont appartenu à une ancienne et puissante famille nommée Aux Hunières ou Aux Epaules, ad Huméros.

En 1095, un membre de cette famille, le sire Aux Epaules, suivit Robert Courte-Heuse, fils du Conquérant, lorsqu’il partit pour la croisade avec grant foison de chevaliers, barons et aultres gens de Normandie. [4]

Un autre épousa Denise de la Haie, et un de leurs fils épousa, en l’année 1253, Luce du Hommet, fille du connétable héréditaire de Normandie.

Un Philippe Aux Epaules fut fait chevalier à la bataille de Crécy. [5]

Un autre membre de la même famille fut aussi fait chevalier à la glorieuse bataille de Marignan, que François Ier gagna, le 15 septembre 1515, sur les Suisses et Sforce, duc de Milan.

Cette famille, pendant plusieurs siècles, s’allia aux plus grandes maisons de France. Ses membres figurèrent dans les guerres où les appelèrent les intérêts et l’honneur de la France. Ils se montrèrent les bienfaiteurs des églises et des abbayes ; mais ceux qui vécurent à l’époque des guerres de religion, dans le XVIe siècle, oublièrent la conduite et les exemples de leurs aïeux, et se déclarèrent les ennemis de la religion. Une salle de l’ancien château servit de lieu de réunion ou de prêche aux protestants.

Le château de Sainte-Marie-du-Mont était un des plus anciens du pays ; il avait donjon, fossés, ponts-levis, grande cour et colombier au milieu ; quelques parties encore existantes du château, qui a remplacé celui du XIe siècle, datent du XIIe siècle. [6]

Après la famille Aux Epaules, les principales familles de Sainte-Marie-du-Mont, furent les Fortescu, les Osbert, les Beaugendre dont le château, connu sous le nom de château Saint-Martin, n’existe plus.

Suzanne Aux Epaules, dame de Sainte-Marie-du-Mont, y fonda, en 1610, une maison d’école ; et la duchesse de Ventadour, en 1688, un hospice pour les pauvres, desservi par des religieuses.

Les armes de la famille Aux Epaules étaient d’or à la fleur de lis de gueules remplissant tout l’écu. [7]

Philippe VI, en 1346, donna à son amé et féal écuyer, Guillaume Pocaire, une terre que Godefroy d’Harcourt, possédait à Sainte-Marie-du-Mont, et qui pouvait valoir, dit l’acte de donation, quatre-vingt-dix livres quatorze sols et quatre deniers tournois de rente annuelle.

Antiquités

La paroisse de Sainte-Marie-du-Mont avait été, sous les Romains, une localité qui était le rendez-vous de toutes les voies du Cotentin pour se rendre au passage du Grand-Vey. Aussi y a-t-on trouvé des médailles romaines, une grande quantité de tuiles et de briques gallo-romaines.

En 1823, au village de Poupeville, on découvrit, dans les décombres d’une vieille maison, une vingtaine de pièces d’or à l’effigie des rois de France Jean dit le Bon et de Charles V, dit le Sage.

Dans un autre lieu nommé le Quartier de la guerre, on a signalé des ossements, et parmi quelques autres objets, une lance et une épée.

En 1463, Montfaut trouva nobles, à Sainte-Marie-du-Mont, les Fortescu, les Osbert, les de Beaugendre et messire Richard Aux Epaules, chevalier ; Jehan Fortescu, seigneur de Saint-Evremont, était, en 1400, capitaine de la forteresse des ponts d’Ouve. Richard Fortescu, en 1417, était gouverneur de cette même forteresse. En 1540, Guillaume Fortescu, sieur du Buisson, habitait encore la paroisse de Sainte-Marie-du-Mont. Cette famille portait d’argent à trois bandes d’azur.

La famille Osbert possédait le château de la Maillardière, près de l’église de Sainte-Marie-du-Mont ; elle fit bâtir celui du Val, à Chef-du-Pont. En 1585, messire Robert Osbert était prieur, doyen et patron de Saint-Côme et Morsalines. En 1422, on trouve Guillaume Osbert, écuyer, obtenant de Henri V, roi d’Angleterre, l’office de garde des sceaux des obligations de la vicomté de Carentan. Adrien d’Osbert, seigneur du fief du Val, fit partie de l’Assemblée des trois ordres du Cotentin, en 1789. Cette famille portait d’argent, à la croix de gueules cantonnée de quatre lions de sable.

Roissy, en 1599, mentionne, à Sainte-Marie-du-Mont, Guillaume Osbert, et Simon Bollée anobli par une charte de 1576.

En 1666, Chamillard y maintient nobles les Beaugendre, les Osbert, et les Hautchemail dont la noblesse datait de 1543, ainsi que Jean-François Simon et Julien Tardif, qui justifièrent de leurs quatre degrés.

On trouve, en 1668, Claude-François Beaugendre, écuyer, sieur des Essarts, et, en 1695, Robert Beaugendre, écuyer, sieur de Vaucelle. La famille Beaugendre portait de gueules au chevron d’argent, accompagné de trois coquilles d’or.

La paroisse de Sainte-Marie-du-Mont fut jadis le siège d’une cour de justice dépendant du bailliage de Saint-Sauveur-le-Vicomte ; elle relevait de l’intendance de Caen et était le chef-lieu d’une sergenterie. En 1765, le prince de Rohan, aux droits de la feue duchesse de Vantadour, en était le seigneur. Masseville lui comptait 276 feux, et Expilly 1265 habitants. En 1871, sa population s’élève à 1413 habitants.

Source :

Notes

[1] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tome XI, pag. 43.

[2] Gall. Christ., tome XI. Inst. Const. Eccl. col. 240.

[3] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tom. XVI, pag. 7, n° 22.

[4] Duchesne et la Chronique de Normandie.

[5] Bataille où Philippe de Valois fut battu, en 1346, par Edouard III, roi d’Angleterre.

[6] On peut consulter sur la paroisse de Sainte-Marie-du-Mont une notice historique, par M. l’abbé Louis, ancien curé de cette paroisse, et un travail plus étendu du même auteur, intitulé : Recherches sur la paroisse de Sainte-Marie-du-Mont, publié dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tome IX, page 524, et tome XIV, pag. 190. Voir aussi un article de M. de Gerville, dans les mêmes Mémoires, tom. I, pag. 312, et ses Etudes historiques sur le département de la Manche, pag. 185, l’Histoire de l’ancienne élection de Carentan, par M. de Pontaumont, pag. 75.

[7] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tome I, pag. 315.